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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/252

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LIVRE VIII





Lorsque Diderot se vit seul avec moi, et assez loin de la compagnie pour n’en être pas entendu, il commença son récit en ces mots : « Si vous ne saviez pas une partie de ce que j’ai à vous dire, je garderois avec vous le silence, comme je le garde avec le public, sur l’origine et le motif de l’injure que m’a faite un homme que j’aimois et que je plains encore, car je le crois bien malheureux. Il est cruel d’être calomnié, de l’être avec noirceur, de l’être sur le ton perfide de l’amitié trahie, et de ne pouvoir se défendre ; mais telle est ma position. Vous allez voir que ma réputation n’est pas ici la seule intéressée. Or, dès que l’on ne peut défendre son honneur qu’aux dépens de l’honneur d’autrui, il faut se taire, et je me tais. Rousseau m’outrage sans s’expliquer ; mais moi, pour lui répondre, il faut que je m’explique ;