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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/263

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posé des faits publiés par les deux parties. Ici, ce que j’ai dû consigner, attester, c’est que, dans le temps même que Rousseau accusoit Hume de le tromper, de le trahir, de le déshonorer à Londres, ce même Hume, plein de candeur, de zèle et d’amitié pour lui, s’efforçoit de détruire à Paris les impressions funestes qu’il y avoit laissées, et de le rétablir dans l’estime et la bienveillance de ceux qui avoient pour lui le plus d’aversion et de mépris.

Quel ravage un excès d’orgueil n’avoit-il pas fait dans une âme naturellement douce et tendre ! Avec tant de lumières et de talens, que de foiblesse, de petitesse et de misère dans cette vanité inquiète, ombrageuse, irascible et vindicative, qu’irritoit la seule pensée que l’on eût voulu la blesser ; qui le supposoit même sans aucune apparence, et ne le pardonnoit jamais ! Grande leçon pour les esprits enclins à ce vice de l’amour-propre ! Sans cela personne n’eût été plus chéri, plus considéré que Rousseau ; ce fut le poison de sa vie : il lui rendit les bienfaits odieux, les bienfaiteurs insupportables, la reconnoissance importune ; il lui fit outrager, rebuter l’amitié ; il l’a fait vivre malheureux, et mourir presque abandonné. Passons à des objets plus doux et qui me touchent de plus près.

Ni la vie agréable que je menois à Paris, ni