Aller au contenu

Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

héréditaire de Brunswick, aujourd’hui régnant[1].

Diderot fut très content de la partie morale ; il trouva la partie politique trop rétrécie, et il m’engagea à l’étendre. Le prince de Brunswick, qui voyageoit en France, après avoir fait contre nous la guerre avec une loyauté chevaleresque et une valeur héroïque, jouissoit, à Paris, de cette haute estime que lui méritoient ses vertus ; hommage plus flatteur que ces respects d’usage que l’on marque aux personnes de sa naissance et de son rang. Il désira d’assister à une séance particulière de l’Académie françoise, honneur jusque-là réservé aux têtes couronnées. Dans cette séance je lus un ample extrait de Bélisaire, et j’eus le plaisir de voir le visage du jeune héros s’enflammer aux images que je lui présentois, et ses yeux se remplir de larmes.

Il se plaisoit singulièrement au commerce des gens de lettres, et vous verrez bientôt le cas qu’il en faisoit. Helvétius lui donna à dîner avec nous, et il convint que, de sa vie, il n’avoit fait un dîner pareil. Je n’étois pas fait pour y être remarqué ; je le fus cependant. Helvétius ayant dit au prince qu’il lui trouvoit de la ressemblance avec le pré-

  1. Karl-Wilhelm, duc de Brunswick-Wolfenbuttel (1735-1806), si fameux depuis par le rôle qu’il joua dans la campagne de 1792.