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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/278

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d’en effacer tout ce qui pouvoit être susceptible d’allusion et que n’auroit-il pas fallu en effacer ?

Je pris la contenance toute contraire à celle de l’inquiétude. J’écrivis au ministre de la maison du roi, le comte de Saint-Florentin, que j’étois sur le point de mettre au jour un ouvrage dont le sujet me sembloit digne d’intéresser le cœur du roi ; que je souhaitois vivement que Sa Majesté me permît de le lui dédier, et qu’en le lui donnant à examiner (à lui, ministre) j’irois le supplier de solliciter pour moi cette faveur. Pour cela je lui demandois un moment d’audience, et il me l’accorda.

En lui confiant mon manuscrit, je lui avouai en confidence qu’il y avoit un chapitre dont les théologiens fanatiques pourroient bien n’être pas contens. Il est donc bien intéressant pour moi, lui dis-je, que le secret n’en soit pas éventé ; et je vous supplie, Monsieur le comte, de ne pas laisser sortir mon manuscrit de votre cabinet. » Comme il avoit de l’amitié pour moi, il me le promit, et il me tint parole ; mais, quelques jours après, en me rendant mon ouvrage, qu’il avoit lu, ou qu’il avoit fait lire, il me dit que la religion de Bélisaire ne seroit pas du goût des théologiens ; que vraisemblablement mon livre seroit censuré, et que, pour cela seul, il n’osoit proposer au roi d’en accepter la dédicace. Sur quoi je le priai de vouloir