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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/285

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une grande autorité à votre opinion ? — Je sais, lui dis-je, Monsieur l’abbé, que mon autorité n’est rien ; mais ma conscience est quelque chose, et c’est elle qui, au nom de l’humanité, au nom de la religion même, me défend d’approuver les persécutions. Defendenda religio est, non occidendo, sed moriendo ; non sævitia, sed patientia… Si sanguine, si tormentis, si malo religionem defendere velis, jam non defendetur, sed polluetur atque violabitur. C’est le sentiment de Lactance, c’est aussi celui de Tertullien et celui de saint Paul, et vous me permettrez de croire que ces gens-là vous valoient bien.

— Allons, dit-il à ses confrères, il n’en faut plus parler. Monsieur veut être censuré ; il le sera. » Ainsi finirent nos conférences. Ce qui m’en étoit précieux, c’étoit le résultat que j’en avois tiré. Ce n’étoit plus ici de petites chicanes théologiques où j’aurois été exposé aux arguties de l’École, c’étoit un point de controverse réduit aux termes les plus simples, les plus frappans, les plus tranchans. « Ils ont voulu, pouvois-je dire, me faire reconnoître le droit de forcer la croyance, d’y employer le glaive, les tortures, les échafauds et les bûchers ; ils ont voulu me faire approuver qu’on prêchât l’Évangile le poignard à la main, et j’ai refusé de signer cette doctrine abominable. Voilà pourquoi l’abbé Le Fèvre m’a déclaré que je serois censuré sans pitié. » Ce résumé, que je fis répan-