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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/296

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pourquoi on accuse aujourd’hui les théologiens d’un genre de persécution qui ne s’exerce plus. Jamais l’Église n’a mis tant de modération dans l’usage de sa puissance. — Il est vrai, Monseigneur, lui dis-je, qu’elle en use plus sobrement ; et, pour la conserver, elle l’a tempérée. — Pourquoi donc prendre, insista-t-il, ce temps-là même pour l’attaquer ? — Parce qu’on n’écrit pas seulement, répondis-je, pour le moment où l’on écrit ; qu’il est à craindre que l’avenir ne ressemble au passé, et qu’on prend le moment où les eaux sont basses pour travailler aux digues. — Ah ! les digues ! ce sont, dit-il, les prétendus philosophes qui les renversent ; et ils ne tendent pas à moins qu’à détruire la religion. — Qu’on lui laisse son caractère, à cette religion charitable, bienfaisante et paisible, j’ose assurer, lui répliquai-je, que l’incrédule même n’osera l’attaquer, et que l’impie se taira devant elle. Ce ne sont ni ses dogmes purs, ni sa morale, ni même ses mystères, qui lui suscitent des ennemis. Ce sont les opinions violentes et fanatiques dont une théologie atrabilaire a mêlé sa doctrine, c’est là ce qui soulève une foule de bons esprits. Qu’on la dégage de ce mélange, qu’on la ramène à sa sainteté primitive ; alors ceux qui l’attaqueront seront les ennemis publics des malheureux qu’elle console, des opprimés qu’elle relève, et des foibles qu’elle soutient.