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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/300

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ciété économique de Pétersbourg un anonyme proposoit un prix de mille ducats pour le meilleur ouvrage sur cette question : Est-il avantageux pour un État que le paysan possède en propre du terrain, ou qu’il ait seulement des biens meubles ? et jusqu’où le droit du paysan sur cette propriété devroit-il s’étendre pour l’avantage de l’État ?

Je ne doutai pas que l’anonyme ne fût l’impératrice de Russie elle-même ; et, puisque sur ce grand objet elle vouloit que la vérité fût connue dans ses États, je résolus de la montrer tout entière. L’un des ministres de Russie, M. de Saldern, étoit venu prendre les eaux d’Aix-la-Chapelle. Je le voyois souvent, et il me parloit des affaires du Nord avec autant d’ouverture de cœur qu’il est permis à un ministre sage. Ce fut par lui que mon mémoire parvint à sa destination. Il n’obtint pas le prix, et je l’avois prévu ; mais il fit son impression, et j’en reçus des témoignages.

Ainsi mes heures solitaires étoient remplies et utilement occupées. Mais un objet non moins intéressant pour moi que mon travail, et, à vrai dire, plus attrayant encore, c’étoit la conversation de mes trois femmes, toutes les trois de caractères différens, mais si analogues que leurs couleurs se marioient et se fondoient ensemble comme celles de l’arc-en-ciel. Or, c’est de ce mélange harmo-