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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/307

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ma confiance : j’ai tant de fois été trompé ! — Oh ! je ne vous tromperai pas, lui ai-je dit ; et, pour mériter le beau titre de votre amie, s’il ne faut que du temps, j’en ai à vous donner. » Ce langage, avec mes vingt ans, l’a surpris, mais ne lui a pas déplu. En changeant de propos, il m’a demandé si je trouvois ses petits appartemens meublés d’assez bon goût. « Non, lui ai-je dit, je les voudrois en bleu. » Comme le bleu est sa couleur, cette réponse l’a flatté. J’ai ajouté qu’à cela près je les trouvois charmans. « Si vous vous y plaisez, m’a-t-il dit, j’espère que vous voudrez bien y venir quelquefois, par exemple tous les dimanches, à la même heure qu’aujourd’hui. » Je l’ai assuré que je saisirois tous les momens de lui faire ma cour. Sur quoi il m’a quittée pour aller souper avec ses enfans. Il m’a donné rendez-vous à la huitaine, à la même heure. Je vous annonce donc à tous que je serai l’amie du roi, et que je ne serai rien de plus. »

Comme cette résolution étoit non seulement dans sa tête, mais dans son cœur, elle y tint, et j’en eus la preuve. Au second rendez-vous, elle trouva le salon meublé en bleu comme elle l’avoit désiré, attention assez délicate. Elle s’y rendoit tous les dimanches, et, par Janel, l’intendant des postes, elle recevoit fréquemment, dans l’intervalle des rendez-vous, des lettres de la main du