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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/320

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cutés. » Pour voir cette exécution, je me rendis chez Bassompierre. Le déjeuner qui m’y attendoit étoit un ambigu de viandes froides et de poissons. Les Liégeois me firent fête. J’étois à table entre les deux demoiselles Bassompierre, qui, en me versant du vin du Rhin, me disoient « Monsieur Marmontel, qu’allez-vous faire à Paris, où l’on vous persécute ? Restez ici, logez chez mon papa ; nous avons une belle chambre à vous donner. Nous aurons soin de vous ; vous composerez tout à votre aise, et ce que vous aurez écrit la veille sera imprimé le lendemain. Je fus presque tenté d’accepter la proposition. Bassompierre, pour me dédommager de ses larcins, me fit présent de la petite édition de Molière que vous lisez ; elle me coûte dix mille écus.

À Bruxelles, on me donna la curiosité de voir un riche cabinet de tableaux. L’amateur qui l’avoit formé étoit, je crois, un chevalier Verhulst[1], homme mélancolique et vaporeux, qui, persuadé qu’un souffle d’air lui seroit mortel, se tenoit renfermé

  1. Gabriel-François-Joseph de Verhulst (et non Vérule, comme le portent les éditions précédentes), dont le cabinet fut dispersé aux enchères publiques à Bruxelles, le 16 août 1770 et jours suivants. Le catalogue indique trois paysages de Berghem, mais ne mentionne pas le tableau de Rubens auquel Marmontel fait allusion. Il est à peine nécessaire d’ajouter que le grand peintre fut marié deux fois, et non pas trois.