Aller au contenu

Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peaux. Voilà, me dit-il avec ravissement, le plus bel éloge que l’on ait fait de ce tableau. » Je témoignai la même surprise et la même illusion en approchant d’un cabinet de glace où étoit enfermé un tableau de Rubens qui représentoit ses trois femmes, peintes de grandeur naturelle ; et, ainsi successivement, je parus recevoir de ses tableaux les plus remarquables l’impression de la vérité. Il ne se lassoit point de renouveler mes surprises : je l’en laissai jouir tant qu’il voulut, si bien qu’il finit par me dire que mon instinct jugeoit mieux ses tableaux que les lumières de bien d’autres qui se donnoient pour connoisseurs, et qui examinoient tout, mais qui ne sentoient rien.

À Valenciennes, une curiosité d’un autre genre manqua de me porter malheur. Comme nous étions arrivés de bonne heure dans cette place, je crus pouvoir employer le reste de la soirée à me promener sur le rempart, pour voir les fortifications. Tandis que je les parcourois, un officier de garde, à la tête de sa troupe, vint à moi et me dit brusquement : « Que faites-vous là ? — Je me promène, et je regarde ces belles fortifications. — Vous ne savez donc pas qu’il est défendu de se promener sur ces remparts, et d’examiner ces ouvrages ? — Assurément je l’ignorois. — D’où êtes-vous ? — De Paris. — Qui êtes-vous ? — Un homme de lettres qui, n’ayant jamais vu de place