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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/347

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ver un avocat ; le seul qui ait osé se charger de le défendre est un enfant perdu, un jeune homme dont le talent n’est pas formé, mais qui tente fortune. Il s’appelle Linguet. Il a fait un mémoire dont le duc est très mécontent. C’est une déclamation ampoulée, un amas informe de phrases ridiculement figurées ; il n’y a pas moyen de publier un verbiage aussi indécent. Le duc m’en a témoigné sa douleur. Je lui ai conseillé d’avoir recours à quelque homme de lettres. « Les gens de lettres, m’a-t-il dit, sont tous prévenus contre moi ; ils sont mes ennemis. » Je lui ai répondu que j’en connoissois un qui n’étoit ennemi que de l’injustice et du mensonge, et je vous ai nommé. Il m’a embrassé en me disant que je lui rendrois le plus grand service si je vous engageois à travailler à son mémoire. Je viens vous en prier, vous en conjurer de sa part. Monsieur, répondis-je à Garville, ma plume ne se refusera jamais à la défense d’une bonne cause. Si celle de M. le duc d’Aiguillon est telle que vous le dites, il peut compter sur moi. Qu’il me confie ses papiers. Après les avoir lus, je vous dirai plus positivement si je puis travailler pour lui. Mais dites-lui que le même zèle que j’emploierai à le défendre, je l’emploierois de même à défendre l’homme du peuple qui, en pareil cas, auroit recours à moi, et, en m’acquittant de ce devoir, j’y mettrai deux condi-