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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/25

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voir, le curé du village nous avoit promis d’y veiller : il nous en donnoit des nouvelles ; mais le cruel nous abusoit.

En arrivant chez la nourrice, nous fûmes douloureusement détrompés. « Mon enfant pâtit, me dit sa mère ; vois comme ses mains sont flétries ; il me regarde avec des yeux qui implorent ma pitié. Je veux que cette femme me l’apporte à Paris, et que mon accoucheur la voie. » Elle vint ; il fut appelé, il visita son sein, il n’y trouva point de lait. Sur-le-champ il alla nous chercher une autre nourrice ; et aussitôt que l’enfant eut pris ce nouveau sein, où il puisoit à pleine source, il en trouva le lait si bon qu’il ne pouvoit s’en rassasier.

Quelle fut notre joie de le voir revenir à vue d’oeil et se ranimer comme une plante desséchée et mourante que l’on arrose ! Ce cher enfant étoit Albert, et nous semblions avoir un doux pressentiment des consolations qu’il nous donne.

Ma femme, pour garder la nourrice auprès d’elle et faire respirer un air pur à l’enfant, désira d’avoir une maison de campagne ; et un ami de MM. Morellet nous prêta la sienne à Saint-Brice.

Dans ce village étoient deux hommes estimables, intimement unis ensemble, et avec qui moi-même je fus bientôt lié. L’un étoit le curé, frère aîné de l’abbé Maury, homme d’un esprit sage et