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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/41

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que le bien que j’avois à faire, et que j’aurois fait si l’on m’en eût laissé le temps. »

Pour moi, je ne voyois alors, dans sa situation, qu’une retraite honorable, une fortune indépendante, du repos, de la liberté, des occupations dont il auroit le choix, une société qui n’étoit pas de celles que la faveur attire et que la défaveur éloigne ; et, dans son intérieur, tout ce que la vie privée et domestique pouvoit avoir de douceur pour un homme sage. Mais j’avoue que je parlois d’après mes goûts plus que d’après les siens : car je pensois bien que, sans l’occupation des affaires publiques et l’influence qu’elles donnent, il ne pouvoit être content. Sa femme parut sensible au soin que je prenois d’affoiblir l’impression du coup dont il étoit frappé. Ainsi ma liaison avec eux, bien loin d’être affoiblie par cet événement, n’en fut que plus étroite.

Ma femme, pour l’amour de moi, répondoit à leurs prévenances et à leurs invitations, mais elle avoit pour M. Necker une aversion insurmontable. Elle avoit apporté de Lyon la persuasion que M. Necker étoit la cause de la disgrâce de M. Turgot, le bienfaiteur de sa famille ; et, à l’égard de Mme Necker, elle ne trouvoit pas en elle cet air attrayant qu’elle avoit elle-même avec ses amis.

Bien différente et bien plus aimable étoit une