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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/43

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de la vie, la mort nous l’enleva ; mais, en la regrettant, j’ai reconnu depuis que, pour elle, de plus longs jours n’auroient été remplis que de tristesse et d’amertume. Plus tard, elle auroit trop vécu.

J’en reviens à Saint-Brice et au tendre intérêt qui nous y occupoit, dans ce temps-là, ma femme et moi c’étoit sa nouvelle grossesse. Le bon air, l’exercice, la vie réglée de la campagne, lui avoient été favorables ; et, l’hiver nous ayant ramenés à Paris, elle y mit au monde le plus beau de nos enfans. Ainsi, pour nous encore, tout sembloit prospérer ; et, jusque-là, rien de plus doux que la vie que nous menions.

Atys[1], en dépit de l’envie, avoit le même succès qu’avoit eu Roland. Les beaux airs de ces deux opéras, chantés au clavecin, faisoient les délices de notre société dans les concerts de la comtesse d’Houdetot et de sa belle-sœur, Mme de La Briche.

Celle-ci, bonne musicienne et chantant avec goût, quoiqu’avec une foible voix, avoit la rare modestie de réunir chez elle des talens qui effaçoient les siens ; et, loin d’en témoigner la moindre jalousie, elle étoit la première à les faire bril-

  1. Atys, tragédie lyrique de Quinault, réduite en trois actes par Marmontel, musique de Piccini, représentée le 22 février 1780, et fréquemment reprise jusqu’en 1792.