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Page:Marot - Les Œuvres, t. 3, éd. Guiffrey, 1881.djvu/590

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Les Epiſtres.

Si goulu, friant & gourmand
45 De la peau du paoure latin,
Qu’il Tefcorche comme vn maftin
L’aultre vn Huet de fotte grâce,
Lequel voulut voler la place
De Tabfent : mais le demandeur
50 Eut affaire à vn entendeur.
O le Huet en bel arroy

perfonnage nous eft préfenté fufKraient pour le faire reconnaître, alors même qu’il ne ferait point défïgné par fort nom quelques vers plus loin (vers 58). François Sagon, natif de Rouen, était bien Normand, comme il eft dit ici ; il était déjà d’un âge mûr, car la date de fa naiffance peut fe placer à la fin du XV e fiècle ou au commencement du xvi e. Mais depuis longtemps déjà il cultivait les mufes, &fes élucubrations poétiques avaient quelque chofe d’indécis & de flottant qui permettait de croire que ce n’était point l’œuvre d’un homme bien éveillé. Nous avons découvert en outre qu’il était d’origine efpagnole par fon père, Jean Sagon, qui vint en ijoi tenter fortune à Rouen en s’y livrant à fon négoce. (Voyez à l’appendice, fes Lettres de natur alité.) D’après un ufage alfez répandu parmi les poètes de ce temps, qui prenaient volontiers un furnom de fantaifie, Sagon fe faifait appeler l’indigent de fapience. Jamais fobriquet ne fut mieux juftifié par des œuvres où la pauvreté du fond le difpute à la bizarrerie de la forme. Les fuccès de Sagon dans les concours poétiques du Puy de la Conception de Rouen ne témoignent que du mauvais goût de fes contemporains. Il exerça les fondions de fecrétaire auprès de Félix de Brie, abbé de Saint-Évroult & doyen de l’églife de Saint— Julien du Mans ; il fe montrait même très-fier de ce titre ; mais nous ferions fort en peine de dire quel avantage il en tira, car fa fortune paraît avoir toujours été en rapport avec la médiocrité de fon talent. En déclarant la guerre à Marot, il crut avoir trouvé l’occafion de faire un certain bruit autour de fon nom ; il réuffit même pour un temps à mettre le trouble dans la république des lettres. (Voy. Biographie de Marot.) Mais tous fes efforts pour fupplanter fon rival ne lui firent point obtenir la place qu’il ambitionnait. Il continua à rechercher la faveur des puiffants du jour, en compofant des vers affez médiocres fur les divers événements hiftoriques de fon temps. On pourrait croire qu’il reçut à la fin la récompense de tant de peines, car il fe qualifie de curé de Beauvais dans une épître qu’il adrefie à un de fes amis. (Jean Bouchet, Epiftres familières, epiftre cix.) Il vivait encore en 1559, & l’on fuppofe qu’il mourut quelque temps après, (1) Marot, fort peu verfé dans la connaiffancc de la langue la-