Page:Marot - Les Œuvres, t. 4, éd. Guiffrey, 1929.djvu/397

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Et quand mon cueur ne le vouldroit encores,
Oultre son vueil contrainct y seroit ores
Par l’aiguillon d’une mort, qui le poinct :
Que dis je mort ? D’une mort n’est ce point :
Ains d’une amour : car quand chascun mourroit
Sans vraye Amour, plaindre on ne le pourroit :
Mais quand la Mort a faict son malefice,
Amour adonc use de son office,
Faisant porter aux vrays Amys le dueil,
Non point ung dueil de fainctes larmes d’œil,
Non point un dueil de drap noir annuel,
Mais ung dueil tainct d’ennuy perpetuel :
Non point ung dueil, qui dehors apparoist,
Mais qui au cueur (sans apparence) croist.
Voylà le dueil, qui a vaincu ma joye :
C’est ce qui faict, que toute rien que je oye
Me sonne ennuy : c’est ce qui me procure,
Que couleur blanche à l’œil me soit obscure,
Et que jour cler me semble noire nuict :
De tel façon, que ce, qui tant me nuyt,
Corrompt du tout le naïf de ma Muse,
Lequel de soy ne veult que je m’amuse
A composer en triste Tragedie :
Mais maintenant force m’est que je die
Chanson mortelle en stille plein d’esmoy,
Veu qu’aultre cas ne peult sortir de moy.
De mon cueur donc l’intention totalle
Vous comptera une chose fatalle,
Que je trouvay d’adventure mal saine
(En m’en venant de Loyre droict à Seine)
Dessus Tourfou. Tourfou jadis estoit
Ung petit Boys, où la Mort commettoit
Meutres bien grands sur ceulx, qui chemin tel
Vouloient passer. En celluy lieu mortel
Je vy la Mort hydeuse, et redoubtée
Dessus ung Char en triumphe montée,
Dessoubz ses pieds aiant ung corps humain

Vers 39. Deffus Turf ou. Turf ou jadis eftoit (a),
(a) B. N. ms. 1717.