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Page:Marot - Les œuvres de Clément Marot, de Cahors, valet de chambre du roy, 1547.djvu/147

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Les bons propos, les raisons singulieres

Je voys cherchant, et les belles matieres

A celle fin de faire Oeuvre duisante

Pour Dame, tant en vertus reluisante.

Que diray plus? Certes les miens espritz

Furent des lors comme de joye espris:

Bien disposez d'une veine subtile,

De vous escripre en ung souverain stile.

Mais tout soubdain, Dame tresvertueuse,

Vers moy s'en vint une Vieille hideuse,

Maigre de corps, et de face blemie,

Qui se disoit de Fortune ennemye:

Le cueur avoit plus froid que glace, ou marbre,

Le corps tremblant, comme la fueille en l'arbre,

Les yeux baissez, comme de paour estrainte,

Et s'appeloit par son propre nom Crainte:

Laquelle lors d'ung vouloir inhumain

Me feist saillir la plume hors la main,

Que sur papier tost je voulois coucher,

Pour au labeur mes espritz empescher:

Et tous ces motz de me dire print cure

Mal consonnans à ceulx du Dieu Mercure.

Crainte parlant en forme de Rondeau

Trop hardiment entreprens, et mesfaictz

O toy tant jeune: oses tu bien tes faictz

Si mal bastiz presenter devant celle,

Qui de sçavoir toutes aultres precelle?

Mal peult aller, qui charge trop grand fais.

Tous tes labeurs ne sont que contrefaictz

Aupres de ceulx