Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/160

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ter : Il me tarde bien de voir les remparts de cette fameuse ville de Troyes, autour desquels Achille a traîné le corps d’Hector. — Il me fut impossible de la faire revenir de cette sotte et stupide erreur. »

Talma nous raconta ensuite que le prince Henri de Prusse, frère du grand Frédéric, l’avait engagé à plusieurs reprises à aller passer quelques jours avec lui, dans son château de Reinsberg. « Je me rendis à son invitation, continua Talma. Ami passionné des arts et de la littérature française, le prince avait le goût des tableaux et des statues, et dépensait beaucoup d’argent en acquisitions de ce genre. Dans un voyage qu’il fit à Rome, il avait acheté une fort belle statue d’Antinoüs. Or, lorsque je vins le voir, son parc venait d’être dessiné et replanté dans le genre de nos grands jardins français, et, dans une allée droite, rappelant le Tapis Vert de Versailles, il avait fait placer de chaque côté des piédestaux destinés à recevoir les statues nombreuses commandées aux plus habiles artistes de la France et de la Prusse. Mais, impatienté de voir ces piédestaux veufs des chefs-d’œuvre qu’il attendait, il eut la singulière idée de faire mouler son Antinoüs et d’en faire tirer assez d’exemplaires pour orner entièrement l’allée principale de son parc. Seulement, lorsqu’il recevait la visite de quelques étrangers de distinction, il s’empressait de leur montrer ses jardins et les conduisait à cette fameuse allée aux statues, qui était devenue son allée de prédilection.