Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/161

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— « Voilà, disait-il, un superbe Antinoüs. — Celui-ci, c’est un Antinoüs. — Oh ! pour celui-là, c’est encore un Antinoüs. »

« Il allait ainsi jusqu’au bout de l’allée, répétant la même phrase, mais prenant soin de varier autant que possible l’inflexion de sa voix et ses gestes. » Et Talma imitait le prince de la manière la plus sérieuse, la plus plaisante et avec une telle originalité que l’on croyait toujours qu’il allait dire autre chose que ce qu’il venait de dire.

En cette même année 1816, nous eûmes la visite du général Lejeune, l’habile peintre militaire auteur de l’Attaque du convoi. Il venait d’avoir un accident assez curieux. Étant allé passer quelques jours chez son vieux camarade, le général du Taillis, lequel avait laissé un de ses bras sur le champ de bataille d’Eylau, il assista à une partie de chasse donnée dans le parc du château. Le général Lejeune suivait la chasse sous bois quand un braconnier, caché dans un massif épais, sortit tout à coup de sa retraite et cria au général, qui n’était plus qu’à quelques pas : « Monsieur, si vous avancez, vous êtes mort ! » L’autre continua froidement sa marche, sans tenir compte de cette menace brutale ; mais le braconnier ne manqua pas à sa parole, il tira. Le général tenait son fusil des deux mains et croisé devant lui dans l’attitude d’un chasseur en quête ; le coup l’atteignit en pleine poitrine, mais en raison de la petite distance, le plomb n’écarta pas et le général reçut presque toute la charge dans les avant-bras