Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/176

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croisés, devant sa baraque vide, et semblait être sous le poids d’un profond abattement. Touché de l’air malheureux du pauvre diable, Brack, qui s’intéressait toujours à tout ce qui souffrait, l’aborde et lui dit : « Eh bien, mon camarade, vous me semblez vivement affligé ? Est-ce que les affaires ne vont pas ? « — Non, monsieur le colonel ; j’ai, dit-on, un peu de talent, l’activité et le courage ne me manquent pas, et pourtant, nous voilà réduits, ma femme et mes enfants, à mourir de faim. S’il ne m’arrive pas un secours inattendu de la Providence, je n’ai plus qu’à me jeter à l’eau. — Bah ! Bah ! répondit le colonel, on ne se jette pas à l’eau quand on a les ressources que vous possédez ; et puis vous avez raison de compter sur le ciel, il n’abandonne pas les gens laborieux et honnêtes qui ont confiance en lui. Mais à quoi, vous devez le savoir, attribuez-vous ce délaissement complet dans lequel vous êtes depuis que je vous vois ici ? — C’est facile à expliquer, monsieur le colonel. On ne distingue plus rien sur mon tableau qui roule avec moi depuis plus de dix ans ; chacun sait par cœur ma complainte et mon spectacle n’intéresse plus personne. — Eh bien, reprit le colonel, il y a un remède bien simple, c’est de changer votre tableau et de faire jouer une autre scène à vos personnages de cire. — Hélas ! je suis sans le sou, fit l’autre, et ce qui m’enlève toute mon énergie, c’est que je vois, comme vous, ce qu’il faut faire pour me tirer de peine et que je ne le puis