Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/240

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La révolution de 1830 m’avait trouvé dans les idées de progrès que j’avais toujours professées ; j’avais pris la charte de 1814 au sérieux, et m’étais toujours aussi borné à en demander l’application sincère ; je faisais partie, sous la Restauration, de ce libéralisme sage, auquel la génération nouvelle accordait toutes ses sympathies ; je ne pouvais pas oublier non plus que, vierge de toute opinion politique autre que celle du gouvernement royal, j’avais été brutalement destitué de mes fonctions, et qu’une carrière qui semblait s’ouvrir pour moi sous les plus heureux auspices avait été brisée tout à coup dès mes premiers pas ; cet acte injuste avait irrité mon cœur, et j’en conservais contre les Bourbons une aigreur que je ne dissimulais pas.

Appelé le 16 août 1830 à la sous-préfecture de Dole, j’abandonnai des intérêts certains de fortune pour reprendre des fonctions qui ne m’avaient laissé que des chagrins et des regrets. Mais il s’agissait de coopérer à la fondation d’un gouvernement qui plaisait à mes opinions modérées, à mes goûts, enfin à mes sentiments patriotiques, je n’hésitai donc point.

Mes débuts n’eurent pourtant rien de fort engageant, avec le préfet que je possédais et dont je veux ici faire le portrait : M. Pons, de l’Hérault, est un excellent père de famille ; il ne se trouve heureux qu’auprès de sa femme et de ses enfants qu’il aime à la passion. L’intérieur de ce petit ménage ressemble à une Académie de province dont tous les membres passent leur temps à s’admirer et à se le dire.