pendant ses dernières années et n’a jamais pu modérer ses goûts désordonnés.
Une après midi que j’entrais dans son petit appartement de la rue de Navarin, je la trouvai seule, joyeuse et prête à sortir. Comme je m’excusais de la déranger et la félicitais de sa mine riante : « Oui, je suis assez contente, me dit-elle, je viens de recevoir la visite de deux vieilles connaissances. Aussi vous allez m’accompagner. » Nous sortîmes et montâmes dans un fiacre qui nous roula de chez Prévost au marché aux fleurs, du marché aux fleurs chez Tripet, de Tripet chez trois autres fleuristes, et nous ramena rue de Navarin, étouffant sous des bottes de roses, des vases d’hortensias, des paquets d’œillets, etc., car la duchesse avait désiré quelques fleurs, et pour satisfaire cette envie, elle venait de dépenser deux billets de cent francs, les deux vieilles connaissances dont elle m’avait parlé. Heureusement que j’étais là, car il ne lui restait plus un sou pour payer le fiacre… et peut-être pour dîner.
Une autre fois, me trouvant chez elle avec quelques personnes, elle interrompit une histoire amusante qu’elle racontait, et se tournant vers son fils : « Napoléon, fit-elle, va donc voir l’heure qu’il est. » Celui-ci se leva et sortit pendant que la narratrice continuait son récit. On avait complètement oublié la demande qui venait d’être faite, lorsqu’une demi-heure après, le duc d’Abrantès rentra, et d’un air calme dit à sa mère : « Il est dix heures un quart ! — Où donc as-tu été