Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

méditation, celui-ci ne porte plus sur son psautier que des yeux distraits ; il ne semble voir que sa jolie voisine. Le service terminé, il sort le premier et disparaît dans la foule, sans chercher à revoir plus longtemps celle qui paraissait l’avoir tant occupé.

Pendant les trois semaines que M. et Mme  de Valdahon passèrent à Genève, ils rencontrèrent partout le même inconnu, soit qu’ils parcourussent la ville, soit qu’ils visitassent les environs ; il était toujours seul et il avait l’extérieur d’un homme de lettres ou d’un amant. De Genève, nos jeunes Dolois se rendirent à Venise, et tandis qu’ils admiraient un tableau dans un musée, ils se trouvèrent nez à nez avec l’homme qu’ils avaient vu à Genève et dans les campagnes voisines. L’étonnement parut grand de part et d’autre, mais, cette fois, on osa se parler, on se traita même en vieilles connaissances, et au moment de se séparer, M. et Mme  de Valdahon remirent leur adresse à l’inconnu, qui leur donna la sienne à son tour : c’était Léopold Robert.

Des visites de politesse s’échangèrent d’abord, mais comme il n’était pas possible de voir cet artiste si bon et si gracieux sans désirer le connaître davantage, il devint bientôt un ami. Vivant fort retiré à Venise, il ne sortait guère de son atelier que pour aller voir ses deux confidents ; près d’eux seuls il était complètement à son aise, complètement heureux. Quel fut donc le chagrin de M. et de Mme  de Valdahon lorsqu’ils s’aperçurent que les visites du jeune peintre devenaient plus