Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comment elle avait allumé en lui un feu que rien ne pouvait éteindre. Il l’avait vue, cette vierge céleste, d’abord à l’église, ensuite au spectacle, dans une loge près de la sienne, et il avait appris qu’elle était la fille du marquis Enrico ***, l’un des plus nobles patriciens de Venise. Cette découverte était tombée sur son cœur comme un poids de glace ; mais n’importe, il rêvait que son talent si vrai, si énergique, l’élèverait jusqu’à cette jeune signora, et l’espoir d’être aimé d’elle, espoir dont il ne voulait même pas qu’on le guérît, ne l’abandonnait plus.

Un jour que Léopold se promenait pensif dans le palais des doges, il se trouva tout à coup près de la belle patricienne ; il l’avait vue d’abord enthousiaste de la musique ; maintenant elle aimait la peinture et jugeait des tableaux en artiste ! Cette femme, c’était décidément la femme de ses songes, l’ange qui console, la vie qui devait commander à sa vie.

Bientôt le bruit se répandit qu’un peintre étranger, dont le talent semblait égaler déjà le talent des Léonard de Vinci, des Titien, était à Venise. Plusieurs personnes de distinction demandèrent à Léopold Robert la permission de visiter son atelier. Le marquis Enrico ***, si connu par son amour pour les arts et par les riches galeries qu’il possédait, se présenta l’un des premiers ; il admira les tableaux du jeune peintre, loua son génie, et, après l’avoir prié de venir le voir, il sortit en lui serrant tendrement la main.

Léopold, la joie et l’espérance au cœur, accepta cette