Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/299

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Le duc d’Enghien dormait profondément lorsque, vers onze heures du soir, le lieutenant Noirot rentra dans sa chambre, accompagné des gendarmes Lerva et Tharsis ; il s’habilla à la hâte et les suivit devant le capitaine rapporteur, qui procéda à son interrogatoire. Cet interrogatoire terminé, le major Dautancourt vint en donner lecture aux membres de la commission, en fit le dépôt sur le bureau et il fut décidé qu’on allait passer au jugement immédiat. Aussitôt après, le prince fut reconduit à sa prison par le lieutenant Noirot, qui s’était mystérieusement transformé pour lui en un secret protecteur.

Au milieu du danger qu’il courait, le prince conservait une entière liberté d’esprit et s’entretint tranquillement avec Noirot, comme avec un vieil ami. Pendant qu’ils causaient ainsi, le commandant Harel entra, accompagné du brigadier Aufort. D’une voix émue, sans toutefois lui annoncer ce qui allait avoir lieu, Harel invita le duc à le suivre, et, une lanterne à la main, le précéda dans la cour et dans les divers passages qu’il fallait traverser ; Noirot les suivit, ainsi que les gendarmes. On arriva, après mille détours, à la Tour du Diable, qui, alors comme aujourd’hui, renfermait la seule issue pour pénétrer dans les fossés du château. En voyant l’escalier étroit et tortueux : « Où me conduisez-vous ? demanda le prisonnier. Si c’est pour m’enterrer vivant dans un cachot, j’aime mieux mourir sur-le-champ. — Monsieur, répondit Harel, veuillez me suivre et faites appel à tout votre cou-