Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou quatre francs à la barrière, pour l’entrée de ces petites provisions, car ces quatre francs seraient si bien employés en acquisition de quelques bouteilles de bon vin !

— « Ma bonne femme, lui répondit mon voisin, mettez votre jambon sous votre cotte, et donnez-moi vos saucisses ; vous ne paierez rien si vous vous taisez, je me charge du reste. » Cette excellente mère de famille, après avoir un moment hésité, se décida pourtant à suivre ce conseil. Arrivés devant le bureau de l’octroi, le commis de service nous demanda si nous avions quelque chose à déclarer. « Non, répondit Henri, nous n’avons rien, absolument rien ; mais madame que voilà cache sous sa robe un jambon énorme ! — Monsieur, reprit l’employé, avec un peu d’humeur, parce que vous êtes officier de la garde, ce n’est pas une raison pour vous moquer des gens du Roi. Allez !… »

Et nous passâmes sans autre encombre. Si ce commis avait eu l’habitude de son métier, il aurait vu à la pâleur subite et à l’extrême agitation de notre lapine, qu’il y avait quelque anguille sous roche. La pauvre femme, bien vite remise de sa frayeur, de son émotion, et heureuse surtout d’avoir gagné ses quatre francs à l’aide de la plaisanterie qu’elle trouva meilleure en dedans qu’en dehors de la barrière, nous remercia de son mieux et nous fit encore une révérence respectueuse, lorsqu’elle eut mis pied à terre, en nous disant : « Mon Dieu ! que les gens de la ville ont donc d’es-