voyée en garnison à Strasbourg, où mon frère, beau garçon, d’une tournure militaire élégante, y eut une aventure qui fit quelque bruit.
Un teinturier de la ville avait une jeune femme dont la beauté et la coquetterie troublaient autant le quartier d’artillerie que celui d’infanterie. Cette jeune femme, remarquée par notre sous-lieutenant qui en était devenu fort amoureux, répondit à ses agaceries provocantes et finit par lui donner un rendez-vous chez elle. Surprise en flagrant délit par le mari, celui-ci, quelque peu débonnaire, se borna tout simplement, pour punir le délinquant, à le faire saisir par ses ouvriers et à le faire plonger dans une cuve où l’on teignait en couleur chocolat des rideaux de soie décolorés. L’officier, ainsi lavé, rentra dans son logement — c’était par bonheur au milieu de la nuit — avec un uniforme chocolat, de blanc très éclatant qu’il était le matin. L’habit, c’était peu de chose ; mais la liqueur corrosive avait pénétré jusqu’aux chairs et laissé sur quelques parties du corps des taches révélatrices, que tous les efforts et les soins du pauvre sous-lieutenant ne purent faire disparaître en entier qu’au bout de cinq à six ans. Il est heureux que mon frère se soit marié seulement dix années plus tard !
Peu après son entrée au service, une sorte de découragement pour son métier s’empara d’Achille ; il avait toujours rêvé le champ de bataille, et il ne trouvait que la caserne et la parade en guise de camp et de combat. Enfant, il s’était vu entrant en vainqueur dans