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la vie aux galères

montagne se présentant il nous fut impossible de la monter, car trois ou quatre de nos vieillards tombèrent à terre, ne pouvant plus faire un seul pas, et comme nous tenions tous à une même chaîne, nous ne pouvions plus avancer, à moins que nous n’eussions eu assez de force pour les traîner. Notre capitaine d’armes, avec les soldats qu’il commandait pour notre escorte, nous exhortèrent par de belles paroles à prendre courage et à redoubler nos efforts, mais contre l’impossible nul ne peut. Le capitaine était fort embarrassé et ne savait quel parti prendre. Nous nous assîmes tous par terre pour donner le temps de se reposer à ceux qui étaient tombés et reprendre ensuite la marche, si cela se pouvait. Ce moyen ne put nous aider, quoique nous pût dire le capitaine, qui ne savait comment faire pour sortir d’embarras. Je l’appelai et lui dis que, dans l’extrémité où nous étions, il fallait que, des deux conseils que j’allais lui donner, il en prît un. « Faites-nous canarder à coups de fusil, lui dis-je, ou, comme je vous l’ai déjà dit, faites-nous fournir des chariots pour nous conduire. Vous me permettrez de vous faire observer, que n’ayant jamais servi que sur mer, vous ne pouvez savoir ce que c’est qu’une route que le roi ordonne par terre. Dans les ordres qu’il donne pour la marche, soit de soldats, soit de recrues, soit de criminels, il est sous-entendu que, lorsque ceux qui sont conduits ne peuvent absolument marcher, leurs conducteurs doivent leur faire donner des voitures, qu’ils prennent de la part du roi dans les bourgs, villes ou villages où ils se trouvent. Vous êtes dans ce cas, Monsieur, continuai-je. Envoyez un détachement de vos soldats au premier village enlever autant de chariots que vous en avez besoin pour porter les infirmes, et pour vous faire voir notre soumission pour les ordres de Sa Majesté, à l’égard de la route qu’elle nous fait faire, nous vous donnerons six livres par jour pour le louage d’un chariot, ce qui sera pour vous un profit réel, car de la part du roi pouvant avoir des chariots gratis, ces six livres vous demeureront. » Le capitaine m’écouta et quelques-uns de ses soldats, qui en savaient plus que lui, confirmèrent ce que je