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la vie aux galères

rivière, dépend de l’évêque de ladite ville de Tournai[1]. J’ai déjà dit que le curé de la paroisse du Parlement venait quelquefois nous visiter, plutôt pour voir si nous changions de sentiments par rapport à la religion que pour nous exhorter par de bonnes raisons à en changer. L’évêque de Tournai ayant appris la froideur ou plutôt la négligence ou l’ignorance de ce curé à nous convertir, nous envoya visiter par un de ses chapelains. Ce chapelain était un bon vieil ecclésiastique, qui avait plus de bonne foi que de théologie, du moins nous le témoigna-t-il, car, après avoir dit qu’il venait de la part de Monseigneur l’évêque, il poursuivit ainsi : pour vous convertir à la religion chrétienne. Nous répliquâmes que nous étions chrétiens par le baptême et par notre foi à l’Évangile de Jésus-Christ. « Comment ! vous êtes chrétiens ? Et comment vous nommez-vous ? » nous dit-il en sortant de sa poche ses tablettes où nos noms étaient écrits et craignant de s’être mépris. Nous lui dîmes nos noms et surnoms. « C’est bien vous à qui je suis adressé, mais vous n’êtes pas ce que je croyais, car vous dites que vous êtes chrétiens, et Monseigneur m’envoie pour vous convertir au christianisme. Récitez-moi, s’il vous plaît, les articles de votre foi. — Très volontiers, monsieur », lui dis-je, et en même temps je lui récitai le Symbole des apôtres. « Comment ! s’écria-t-il, vous croyez cela ? » Et lui ayant dit que oui : « Et moi aussi, nous répondit-il. Monseigneur l’évêque m’a vendu du poisson d’Avril pour se moquer de moi. » Ce jour-là, en effet, était le premier avril de l’année 1701. Il prit congé de

    de sentir une main toujours levée pour leur en faire s’ils résistaient. » Et ailleurs : « Si on joint toujours exactement à ces secours des gardes pour empêcher les désertions et la rigueur des peines contre les déserteurs, il ne restera plus que de faire trouver aux peuples autant de douceur à demeurer dans le royaume que de péril à en sortir. » Son système était en réalité celui de l’autorité paternelle. Le livre de M. O. Douen, L’Intolérance de Fénelon, est une sévère et intéressante étude au point de vue protestant.

  1. L’évêque de Tournai, Mgr François Caillebaut de La Salle, occupa ce siège jusqu’en 1705. Il était généralement assez indulgent aux protestants.