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Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/88

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la vie aux galères
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la plus grande partie, se distinguaient par leur manière de vivre et se montraient tout autres que ces infâmes scélérats, nourris et accoutumés à exercer les crimes les plus terribles. Cependant, tous ces scélérats, quelque méchants qu’ils fussent, témoignaient toujours beaucoup d’égards pour nous autres réformés. Ils ne nous appelaient jamais que Monsieur et n’auraient jamais passé devant nous sans nous saluer. J’en avais cinq dans mon banc à Dunkerque, un condamné pour meurtre et assassinat, un autre pour viol et meurtre, le troisième pour vol de grand chemin, le quatrième aussi pour vol. Pour le cinquième, c’était un Turc esclave. Mais je puis dire en bonne vérité, que ces gens-là, tout vicieux qu’ils étaient, me portaient une vraie révérence et c’était à qui serait le premier à me rendre de petits services. Lorsque les plus méchants parlaient de nous, ils ne balançaient pas à dire : « Ces messieurs sont respectables en ce qu’ils n’ont point fait de mal qui mérite ce qu’ils souffrent et qu’ils vivent comme d’honnêtes gens qu’ils sont. »

Les officiers mêmes, du moins la plupart, aussi bien que l’équipage, nous considéraient et s’il se trouvait qu’il y eût dispute ou quelque différend entre les autres galériens et qu’un réformé se trouvât à portée d’en décider ou de rendre témoignage de la vérité du fait, on en passait toujours par sa décision.

J’ai dit que la chiourme était toujours occupée, tant dans les baraques que sur les galères, à gagner quelques sols pour s’aider à vivre. Les comites y donnent de grands soins, et c’est leur intérêt, car faisant vendre le vin à leur taverne à leur profit, tout le gain de la chiourme, du moins la majeure partie, entre par ce moyen dans leur bourse. Une autre raison, c’est qu’il paraît impossible que la chiourme puisse vivre avec le pain et l’eau que le roi lui donne. Ajoutez à cela que l’occupation de ces malheureux pour gagner leur vie les empêche de porter toutes leurs pensées à se sauver de la galère. Outre l’occupation des galériens pour travailler à gagner quelque chose, ils ont celle du service de la galère au dehors et au dedans.