Aller au contenu

Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
la vie aux galères

couples par galère s’assemblent tous devant la galère commandante. Chaque galère fait conduire ses couples par un seul pertuisanier et un comite, ou sous-comite, qu’on commande chacun à son tour, les accompagne de là à l’arsenal et fait travailler ces galériens aux ouvrages qui leur sont ordonnés, ayant le gourdin ou la corde à la main, et le soir tous ces couples sont ramenés chacun à sa galère. Les Turcs n’en sont pas exempts. Pour moi, je n’ai jamais été à cette fatigue ; en donnant trois ou quatre sols à un galérien qui y allait pour moi, j’en étais quitte. Chacun a la liberté d’en faire de même.

Le service du dedans de la galère n’est pas moins pénible. On y fait la bourrasque, au moins deux fois par semaine ; et certaines galères, dont les comites sont plus exacts, ou pour mieux dire, plus méchants, la font faire tous les jours. Cette bourrasque ou veresque est le nettoiement de la galère. Quand on veut le faire, le premier comite donne un coup de sifflet qui le désigne. Les deux sous-comites s’arment de leur gourdin sur le coursier, courant de banc en banc pour dégourdir les paresseux. Chaque banc se démonte pièce à pièce. Il faut racler avec une racle de fer — chaque banc en a une — toutes les pièces du banc, qui sont le banc, la banquette, le pedagne, contre-pedagne et les quartiers ou planches. Cela étant fait, les comites examinent de banc en banc, si le tout est bien blanc et bien raclé. Pendant cet examen, le gourdin tombe sur le dos nu des galériens, comme la pluie. Le raclement étant fini, on leur fait laver le tillac à force de seaux d’eau qu’on puise à la mer. Ce qui étant fait, et le tout au son du sifflet, et le corps nu comme la main, de la ceinture en haut, on remet chaque chose à sa place, et on range le banc. Cet exercice dure trois bonnes heures.

Outre cet exercice et les occupations journalières pendant tout l’hiver, il en arrive très souvent d’extraordinaires. C’est lorsqu’il se trouve en ville des étrangers de distinction. Quelquefois le gouverneur leur donne le plaisir de monter sur les galères pour y voir faire l’exercice, dont je viens de parler. D’autrefois c’est l’intendant ou le commis-