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le cañon du tarn. — de la malène au rozier

Un peu plus loin apparaissent le hameau de l’Angle et sa belle fontaine, puis celle de la Sompte, toutes deux à droite ; au-dessus, sur un entablement de la falaise, une aire de vautours, abritée par une corniche.

La barque double le grand rocher de Montesquieu ; sur près de 5 kilomètres, on voit tout à coup se profiler les à-pics des falaises, les roches isolées, les aiguilles, les entassements de chaos, les énormes éperons qui, de ressaut en ressaut, descendent des deux causses et viennent plonger dans le Tarn. C’est grandiose.

Aux planiols succèdent les chenaux balisés, les bancs de sable, les ratchs.


Planiol de Montesquieu. — Phot. de Malafosse.
(Communiqué par le Club alpin.)

On entre dans les vraies gorges du Tarn, un des plus grands spectacles qu’offre la France. Le piton de Montesquieu est en forme de cône tronqué ; la vaste plate-forme qui le termine portait jadis un fier château à 310 mètres en l’air.

Quelques murs ruinés s’aperçoivent à peine de la rive. C’est le berceau d’une famille puissante, dont les descendants, pendant plus de sept siècles, ont eu sur le Tarn de nombreux fiefs [1]. Le chef de cette maison abandonna son roc escarpé et bâtit la Malène à la fin du xvie siècle. Le manoir de Montesquieu remonte au moins au xiie siècle.

« Les bateliers feront toujours remarquer au voyageur une belle grotte située assez près de la plate-forme, grotte à laquelle on accédait du château par un mur dont se voient encore les restes. On l’appelait le souterrain du château. Ils ne manquent jamais de raconter l’histoire de la dernière baronne de Montesquieu, dont on fera peut-être dans cent ans d’ici une légende. En 1793, lors de l’incendie de la Malène, cette veuve était septuagénaire et aveugle. Malgré cela,

  1. Il ne faut pas confondre cette famille avec les Secondat de Montesquieu, dont est sorti le célèbre philosophe. La famille des Montesquieu du Tarn étant tombée en quenouille, au xvie siècle, obtint de transmettre son nom et ses armes à un gentilhomme du Vivarais nommé Brun. Depuis lors, on la désigna sous le nom de Brun de Montesquieu.