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les cévennes

rables. Mais, en 1884 et 1885, deux visites successives m’avaient fait soupçonner d’autres splendeurs cachées : de tous côtés, en effet, s’ouvraient des orifices de puits ou de galeries impraticables sans échelle.

Donc, en juin 1888, munis d’un matériel complet de gymnastique et d’éclairage, nous entreprîmes l’exploration méthodique de Dargilan, tant pour y rechercher un nouvel Adelsberg que pour continuer nos études sur l’hydrologie souterraine des Causses. Le résultat dépassa nos espérances.

Raconter en détail toutes nos investigations, qui durèrent quatre jours entiers, serait monotone et trop long. Il suffira de dire que la grotte de Dargilan est réellement une des plus belles de l’Europe, d’indiquer sommairement les trouvailles faites et de renvoyer au plan topographique ci-joint.

La grande salle, connue depuis 1880, est de forme elliptique, dirigée du nord au sud, longue de 120 mètres, large de 50 à 60 mètres, haute de 35 ; comme toutes les cavités de ce genre, elle ressemble à un palais de cristal indescriptible. Ses principales stalagmites, hautes de 2 à 10 mètres et suffisamment dépeintes par leurs noms appropriés à leurs formes, sont : les Cinq Chandelles (no 5 du plan), la Vierge (6), la Quenouille (8), le Bonnet persan (9), la Massue de Goliath (11), la Ruche (12) et les Candélabres (13) ; à 30 mètres du seuil, le Belvédère (4), balcon suspendu au-dessus d’un vide béant (le Sous-Sol, 7), permet d’embrasser d’un coup d’œil l’ensemble du dôme immense ; un peu plus loin, la Loggia (15) sert également d’observatoire.

Les autres ramifications, de Dargilan, que nous avons découvertes et levées en juin 1888, se distribuent en trois branches principales autour de la grande salle, au sud-est, à l’est et à l’ouest.

On descend dans la branche du sud-est par un large talus incliné à 45 degrés, où les blanches aiguilles de carbonate de chaux servent à la fois de degrés et de rampes : c’est l’Escalier de cristal (18), au milieu duquel une autre statuette de Vierge (19) s’élève devant une sorte de chapelle (le Baldaquin, 20} ; l’escalier aboutit à deux salles, celles de la Mosquée (haute de 30 m.), avec sa Coupole (no 21 ) et son Minaret (22), et celle de la Tortue : celle-ci doit son nom à une stalagmite convexe (23) d’environ 8 mètres sur 4 mètres, semblable à la carapace d’un chélonien en train de gravir le rocher ; à côté se dressent le Panache (23), les Aiguillettes (24), d’une gracilité surprenante, et l’Hélice (26), figurant le grand coquillage fossile appelé Cerithinm giganteum. Dans l’angle nord-est de la salle de la Tortue, la Galerie ronde mène à la salle de la Petite Cascade, où l’on croirait voir, dans les capricieux replis d’une large stalactite, une chute d’eau subitement congelée, Du fond de la salle de la Tortue on peut, grâce à la largeur de l’Escalier de cristal, distinguer la majeure partie du plafond de la grande salle, à 70 mètres au-dessus du spectateur : en réalité, ce plafond s’abaisse jusqu’à la Tortue sans solution de continuité ; de telle sorte que, depuis l’entrée de la grotte, la grande salle et ses deux voisines du sud-est ne forment qu’une seule et même voûte de 190 mètres de portée, l’une des cinq plus grandes du monde (V. le tableau ci-après et la coupe jointe au plan.)

Il est impossible d’accéder sans cordes à la branche de l’est, qui commence par un couloir d’éboulis incliné à 45 degrés, long de 60 mètres et profond de 40 (no 28) : ce couloir débouche dans un vestibule appelé la Sacristie (29) ; qu’une pente abrupte réunit à une magnifique Église, longue de 60 mètres, large de 10 à 20, haute de 5 à 10 mètres. Cette nef, occupée, en guise de piliers, par une forêt