Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
233
L'AIGOUAL

forêts de pins, puis s’élève le long de la serre (crête) qui le sépare de la Brèze, (cotes 839, 921, 1,079, 1,083, 1,211, 1,284, 1,323, 1,474).

Au fond de la vallée paraît le château de Roquedols, entouré de prairies et de belles pineraies. Le sentier traverse des bois de pins, des clairières couvertes de genêts, et, arrivé sur le dos de la serre, passe sur le versant de la vallée de la Brèze.

La vue, au nord et à l’est vers le bassin de Meyrueis et la vallée supérieure de la Jonte, les falaises du causse Méjean et une partie du causse Noir, est fort belle. Dans le vallon de la Brèze est le grand hameau des Oubrets, bordé par les forêts de l’Aigoual. La promenade en navette sur le dos de la serre, tantôt sur le penchant de la Brèze et tantôt sur celui du Butézon, donne une série de tableaux tour à tour charmants ou sauvages.

Aux Trois-Fontaines sont des granits, des hêtraies, des pâturages ; le paysage devient de plus en plus pittoresque ; on passe à la pierre de l’Homme Mort, dans des taillis, et l’on atteint un plateau gazonné qui, entre l’Atlantique et la Méditerranée, par 1,460 mètres d’altitude environ, possède à la fois les sources du Bonheur (au col de la Séreyrède), de la Brèze et de l’Hérault. Vue magnifique au sud. Ici nous n’avons plus qu’à monter sur les grandes pentes herbeuses ou dénudées d’une longue croupe qui nous cache la cime sans relief de l’Aigoual ; c’est l’axe hydrographique des Cévennes, qui de la Séreyrède (environ 1,290 m.) s’élève doucement vers le nord-est, par 1,386 et 1,502 mètres, jusqu’au double sommet.

À la source du Butézon, au point 1,474, se détache à l’ouest celui des rayons de l’Aigoual qui, sous le nom de Croix de fer, rattache le granit au causse Noir (1,490, 1,302, 1,406 au Montrefu, 1,327 à la Fageole, 1,225, 1,186, 1,183) et porte sur sa tranchante crête l’ancienne route de Camprieu à Meyrueis. (V. p. 225.) Si c’est de Camprieu que l’on veut gagner l’Aigoual, il n’y a que 6 kilomètres à faire en remontant le vallon du Bonheur, où se dégrade la chapelle de ce nom (V. p. 226), et 200 mètres à gravir pour atteindre le col et la maison forestière de la Séreyrède (1,290 m.), bâtie à une heure et demie au sud-ouest de l’observatoire.

Le toit de cette maison, que les vents furieux ébranlent toute l’année, déverse les pluies par une de ses gouttières à la Méditerranée, et par l’autre à l’Océan. Elle est littéralement construite dans un créneau des Cévennes, précieux refuge pour ceux qui se hasardent dans le massif pendant les tempêtes d’hiver, c’est par centaines que l’on pourrait compter les personnes qui ont été sauvées par le brigadier forestier Coupeau et par sa veuve. Aussi, lorsque le père Coupeau mourut, plus de trois mille montagnards des environs suivirent son convoi.

Sur le rebord du cirque de l’Hérault naissant, la vue du col est très curieuse par la différence d’aspect des deux seuls quartiers d’horizon qui lui soient ouverts, enfilant à l’est, dans toute sa longueur, la profonde vallée de Valleraugue, et embrassant en arrière, à l’ouest, tout le causse Noir, qu’encadrent la Croix de fer au nord et le Suquet au sud. Quand on arrive de Camprieu, l’impression rappelle celle éprouvée au col de la Maloja (Suisse, Alpes du Bernina), si brusquement coupé à pic sur le creux val Bregaglia, au bord du plateau des lacs de l’Engadine.

Le côté sud de l’Aigoual est plus abrupt, plus rocheux, plus pittoresque que le versant nord, aux pentes adoucies, et l’escalade directe, depuis la route de