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le gévaudan

En juin 1765 (il y avait déjà un an que durait la désolation du Gévaudan), Louis XV envoyait sur les lieux son propre lieutenant des chasses, à la tête d’un équipage d’élite. Un trimestre encore la lutte devait durer. Femmes et enfants continuaient à servir de pâture au monstre. Une femme pourtant sut sauver sa vie avec une baïonnette fixée à un bâton.

D’après un manuscrit de la Bibliothèque nationale, voici comment on vint à bout de la bête du Gévaudan.

« Informé que les loups désolaient les bois de la réserve de l’abbaye royale de Chazes, en Auvergne, le porte-arquebuse du roi (M. d’Antoine) y avait envoyé deux gardes-chasse suivis de leurs limiers, et sur l’avis qu’ils donnèrent qu’ils y avaient aperçu un très grand loup, ainsi qu’une louve et des louveteaux assez forts, il s’y transporta, le 20 septembre, avec tout son monde à lui et quarante tireurs des paroisses voisines, par lesquels il fit entourer le bois de la réserve, tandis que les valets de limiers et les chiens de la louveterie le fouillaient de toutes parts.

« S’étant lui-même placé à un détroit, il vit venir par un sentier ce grand loup, qui lui prêtait le flanc droit et tournait la tête pour le regarder. Il lui tira sur-le-champ un coup de derrière de sa canardière, chargée de cinq coups de poudre, de trente-cinq postes à loup et d’une balle de calibre, dont l’effort le fit reculer de deux pas atteint dans le flanc et dans l’œil. Il tomba aussitôt, se releva et marcha sur le porte-arquebuse sans lui donner le temps de recharger son arme. Celui-ci appela au secours : un garde-chasse du duc d’Orléans accourut ; il tira au loup un coup de sa carabine et le blessa d’une balle à travers la cuisse ; après quoi le loup, ayant fait encore quelques pas, tomba raide mort dans la plaine.

« Plusieurs paysans des environs, qu’il avait attaqués, furent aussitôt appelés et le reconnurent pour cette bête effroyable qui avait jeté, depuis si longtemps, tout le pays dans la terreur. On lui trouva, en outre, la marque du coup de baïonnette dont il est question plus haut. Ainsi, il n’y avait plus à douter de son identité, non plus que de la délivrance du Gévaudan. L’animal avait 2 pieds 8 pouces (0m,89) de hauteur, 3 pieds (1 m.) de circonférence, et 5 pieds 7 pouces (1m,86) de longueur, depuis le bout du museau jusqu’à l’extrémité de la queue. Il pesait 130 livres (65 kilog.) ; sa gueule était garnie de quarante dents : dix-huit en haut, vingt-deux en bas. Les chasseurs jugèrent qu’il avait environ huit ans. C’était, en un mot, un loup carnassier d’une taille prodigieuse et d’un aspect terrible.

« En laissant de côté toutes les exagérations ordinaires en pareil cas, on trouve que le nombre total de ceux qui ont été dévorés par la bête féroce du Gévaudan s’élève de cinquante à cinquante-cinq individus, la plupart femmes et enfants. Il faut ajouter environ vingt-cinq personnes qui, ayant été secourues à temps, en furent quittes pour des blessures plus ou moins graves[1] »

  1. PUBLICATIONS RELATIVES À LA BÊTE DU GÉVAUDAN.
    Relations de la figure et des désordres commis par une bête féroce qui ravage le Gévaudan. Impr. de N.-E. Valleyre, 1765, in-4o, pièce (Bibl. nat., L. Ks. 785). — Relation générale et circonstanciée de tous les désordres commis par la bête féroce. Ibid., 1765. (Bibl. nat., Ibid.) — Relation de la prise de la bête féroce qui a fait de se cruels ravages dans les paroisses d’Auvergne, du Gévaudan et autres, 20 septembre 1765. Paris, impr. de Hérissant, in-40, pièce (Bibl. nat., Ibid.). — L’Hyène combattue ou le triomphe de l’amitié et de l’amour maternel en deux poèmes héroïques, Amsterdam et Paris, Dufour, 1765, in-89, pièce (Bibl. nat., Ibid). — Sur la bête monstrueuse du Gévaudan, poème, s. l. n. d., in-8o, pièce (Bibl. nat., Ibid.). (Outre les 5 pièces ci-dessus, le recueil fait par Gervais-François Magne de Marolles contient 49 feuillets et 15 planches gravées, Bill. nat., Ibid.) — Complainte au sujet de la bête du Gévaudan et prospectus de poème intitulé: la Bête du Gévaudan, par Fr. Estaniol de Saugues : Mém. de la Soc. d’agriculture de 1848-1849-1850, p. 123. — La Bête féroce dite du Gévaudan. Extrait du Dict. statistique du Canal, par M. de Gazelle, 1855. — Note publiée par M. Ignon dans le Journal de la Lozère (n° 79), le 5 thermidor an V (1799), sur la Bête du Gévaudan. — Histoire de la bête du Gévaudan, d’après le Journal des chasseurs, dans les Mém. de la Soc. des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, t. III, 1841-1843. — La Bête du Gévaudan, notice et documents divers par F. André : Bulletin, 1872, p. 91. — Les Ravages des loups en Gévaudan, par F. André, archiviste ; extrait des Annuaires de la Lozère en 1872. — Détails complémentaires sur la Bête du Gévaudan, par F. André, archiviste : Annuaire de 1880. — La Bête du Gévaudan, notice historique, par Aug. André, avec planches : Bulletin de la Lozère, 1882. — La Bête du Gévaudan, imprimé par l’abbé Pourcher, à Saint-Marlin-de-Boubaux (recueil de pièces), 1889.