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Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/281

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les cévennes

à l’époque gauloise, le tout pour être guéri de certaines maladies ou préservé des sortilèges.

Cela a duré jusqu’en 1867. Une rixe sanglante survenue alors entre les festoyeurs, qui joignaient de nombreuses libations aux anciens rites, et la gendarmerie de Nasbinals, amena l’autorité à interdire cette fête. L’année suivante, la force armée dispersa les fidèles, et depuis lors on n’y voit plus venir que quelque obstiné croyant, qui se baigne à la hâte dans ses eaux glacées, y jette une pièce de monnaie, quelquefois un vêtement, et s’en va confiant.

Les poutres que des sondages font retrouver en grand nombre proviennent soit d’un temple sur pilotis, soit d’une cité lacustre, soit des huttes des castors disparus.

Quoi qu’il en soit, un vrai trésor de monnaies de tout âge gît dans la vase du lac, qui a 2 kilomètres de tour.

À peu de frais, par une tranchée dans la rive haute, on pourrait en dessécher la moitié et procurer aux prairies inférieures un réservoir pour les arrosages d’été. Il serait facile ainsi, dans la tourbe découverte, de faire de splendides trouvailles.

« Les belles truites saumonées de Saint-Andéol sont célèbres. Il y existe aussi un grand poisson blanc de la famille des ables, qui n’a jamais été déterminé scientifiquement. » (L. de Malafosse.)

Quant aux castors, écoutons le docteur Prunières :

« J’ai cherché dans les bas-fonds du lac Saint-Andéol, au milieu des restes de leurs villages lacustres dont le sous-sol du lac est parfois comme pavé, les squelettes, ou au moins quelques os des castors. Je n’ai rien trouvé ; mais je n’ai pas trouvé davantage d’autres os, pas même un seul fragment d’os, reste de ces repas homériques qu’on faisait, dans l’antiquité et jusque dans ce siècle, sur les bords du lac, le jour de sa fête ! Encore dans mon enfance, j’y ai vu jeter des manches de gigot, des os de porc, de volailles, etc. C’était bien pis dans l’antiquité, quand la fête durait trois jours.

« … Que sont devenus les os de tous ces repas pantagruéliques ? Après boire, on les jetait certainement dans le lac… Ils ont fondu là comme ils fondent dans toutes les terres de l’Aubrac, privées de sels calcaires : pendant que les cavernes des Causses, leurs dolmens et leurs tumuli, conservent si beaux les os des sépultures antiques, les tumuli de l’Aubrac, et encore le cimetière chrétien qui entoura jusqu’au xviie siècle l’église de la montagne, ne renferment point d’os ! Dans ces tumuli, je n’ai trouvé que des tessons et du charbon, et, dans une seule tombe du cimetière chrétien, tombe qui était le long du mur de l’ancienne église, c’est à peine si j’ai encore trouvé deux ou trois lamelles d’os semblables à de la dentelle.

« En revanche, j’ai extrait des charretées de bois des anciennes constructions des castors, des pilotis, des bois rongés, des copeaux, etc., et, enfin, un petit renseignement positif : c’est cette dent, unique dans mes fouilles, c’est cette trouvaille d’une incisive de castor travaillée pour la suspension et cueillie dans un petit dolmen de cimetière néolithique[1] »

Le lac en voie de dessèchement de Souverols, le plus petit des quatre bassins de l’Aubrac, est à 2 kilomètres et demi à l’ouest de Saint-Andéol. À 2 kilo-

  1. Association française pour l’avancement des sciences. Congrès de 1887, p. 692 et suiv.