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Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/283

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les cévennes

dans une argile compacte. On y trouve conservées des empreintes végétales très curieuses et des bois fossiles silicifiés.

Comme la grande cascade du mont Dore sur les trachytes, la cascade des Salhiens, un peu plus petite, glisse sur le basalte, dont elle a détaché d’énormes blocs ; mais elle domine un plateau nu, sans arbres et sans bornes, au lieu d’une profonde vallée, variée de prairies, de bois et de rocs !

Une autre exception au régime maraîcher des lacs a créé la principale curiosité de tout l’Aubrac : au point qu’occupe aujourd’hui le buron de Cap-Combattut ou Cocumbattié (1,220 m.), entre Saint-Andéol et Souverols, le ruisseau des Plèches fut emprisonné jadis de toutes parts entre plusieurs coulées croisées. Il va sans dire qu’un lac s’étendit bien vite sur la surface ainsi limitée ; au point le plus bas de la plus faible coulée (celle du nord) se creusa peu à peu l’orifice d’écoulement. Les siècles ont eu raison du barrage, scié en haut par le courant, miné à sa base par la pression de l’eau ; maintenant le lac est vidé, la brèche a 8 à 10 mètres de profondeur sur 15 à 20 de largeur ; une route neuve, qui suit la crête du torrent basaltique, la franchit sur un ponceau (les voies carrossables de l’Aubrac sont presque toutes à dos de coulées, les plaines étant trop imbibées d’eau pour supporter le poids d’une chaussée). Le ruisseau des Plèches, perpendiculaire à la coulée, la traverse donc de part en part entre deux parois columnaires : au fond du lit, sur une longueur de 50 mètres (épaisseur de la coulée) émergent les prismes de 3 à 7 pans géométriquement emboîtés comme nos anciens pavés de grès ; les célèbres dallages de la Volane et de l’Ardèche (environs de Vals [Ardèche]) sont moins réguliers, car les rivières et les coulées s’y confondent suivant le même axe longitudinal, et les têtes de prismes n’ont pas été toutes rasées à la même hauteur ; aux Plèches, au contraire, l’opération de sciage s’est faite dans le sens de la largeur ; les colonnes se nivelèrent selon des plans horizontaux ou plutôt convexes, curieusement craquelés en triangles, quadrilatères, pentagones, etc. Le tout a vraiment l’air artificiel. Toutefois l’eau attaque aussi les surfaces perpendiculaires de séparation des prismes, en disjoint un de temps en temps et, formant ainsi de minuscules cascatelles, ronge et creuse de plus en plus ce qui reste de basalte au fond du lit. Actuellement la marche du ruisseau sur ces 50 mètres de son parcours est des plus instructives : d’abord un pavage horizontal et poli, coupé brusquement par un ressaut de prismes ; en bas de celui-ci l’eau se précipite dans un petit bassin constamment approfondi en amont et bombant en aval sa surface diversement carrelée, pour aboutir à un deuxième ressaut analogue au précédent ; mais ici le flot, pour s’échapper, profite de l’espace laissé libre sur la rive gauche par le déboîtement de quatre ou cinq prismes ; des tourbillons corrosifs écument dans un second bassin concave ; enfin un troisième ressaut convexe laisse fuir les Plèches, sur la rive droite cette fois, à travers les gneiss altérés ; l’eau file donc en zigzag entre trois digues et deux baignoires pour ainsi dire ; et quand elle aura balayé tout le basalte, déraciné la base même de la coulée, elle attaquera à son tour le granit sous-jacent : ainsi se formera une coupure semblable à celles de Pranal (Puy-de-Dôme), mais de proportions bien plus réduites.

Si l’on vient des gorges du Tarn ou de Mende, c’est par Marvejols, par le côté du sud-ouest, que l’on atteindra le plateau des Lacs.

Marvejols (Maruège), sous-préfecture de la Lozère (5,113 hab. la comm., 4,554 aggl.) et station de chemin de fer, doit être traité ici comme Mende, Millau,