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bois-de-paiolive et mont mézenc

biens appelé les gorges du Tarn, qui fera, d’ici peu d’années, une si rude et légitime concurrence à la Suisse même.

La presqu’île granitique de la Margeride (1,554 m. au signal de Randon), ligne de partage d’entre Allier et Lot, est isolée sur trois côtés par le golfe Jurassique des Causses et l’hémicycle éteint de l’Aubrac, de Murat et du Velay. Elle rattache les Cévennes aux gibbosités du Cantal et du mont Dore, gracieusement bombées à 30 lieues vers l’ouest. À voir d’aussi loin les pentes douces et la faible saillie de ces deux brasiers morts, on ne soupçonnerait guère la beauté des crevasses et découpures que les éruptions et les déluges ont taillées dans leurs flancs éventrés et sur leurs crêtes écroulées. Puis viennent les cônes des monts Dôme, les derniers-nés de tous ces cratères, quelques-uns ronds comme des coupoles byzantines, d’où leur nom si bien mérité : le puy de Dôme (1,465 m. les surmonte tous, pareil à l’hémisphère de Sainte-Sophie au-dessus des mosquées de Constantinople.

— Plus près, le bassin tertiaire lacustre d’où émergent les dykes palagonitiques et les églises byzantines du Puy semble avoir germé, fraîche oasis de verdure, entre les débris et les ruines des explosions basaltiques ; rappelons ici pour mémoire que les caprices de la nature et les architectes du Moyen Âge

La Gleizasse. — Phot. Violet.
(Communiqué par le Club alpin.)

ont fait de cette ville presque une huitième merveille du monde. — Plus proches encore, dépendant du Mézenc et dans un rayon de trois lieues, le lac ovale d’Issarlès (997 m.) au sud-ouest, émeraude enchâssée dans un anneau de tuf ; celui d’Arcone au nord (1,232 m.) ; à l’est et au sud-est, les gorges fissurées et l’amphithéâtre profond de 500 mètres, prétendu cratère, des Boutières, alternent, au bas des trois cornes, avec les dents et bosses phonolithiques jetées en désordre sur les plateaux. Les plaines du Forez et du Lyonnais fuient à perte de vue au nord, opulentes de culture et d’industrie, embrumées par les vapeurs des grandes villes.

Mais le vrai fleuron de la couronne panoramique, la force attractive qui rive les yeux vers l’est, la vision féerique que la plus fine buée peut transformer en rêve évanoui, en légende invraisemblable, c’est la chaîne entière des Alpes françaises, élevant au ciel son blanc diadème ; c’est le rideau d’argent bleu déployé, sur 300 kilomètres, du Faucigny à la Provence. De Notre-Dame de Fourvières, à