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Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/364

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les cévennes

Cette diminution dans la puissance destructive du flot est établie encore par l’étroitesse des fissures inférieures, où parfois la main même ne peut pénétrer ; on verra sur toutes les coupes les puits d’autant plus petits ou plus étroits qu’ils se trouveront plus profonds ; d’où nous tirons cette conséquence que les fissures absolument impénétrables rencontrées au bas de tous les avens sont les diaclases originaires du terrain, à peine attaquées par une force érosive complètement déchue ; et que si cette force eût duré plus longtemps, les avens auraient pu traverser toute l’épaisseur des grands causses, « par des fissures de plus de 500 mètres », comme le croyait M. de Malafosse. Or il n’en est rien, et nous ne pensons pas qu’aucun avenc puisse dépasser 150 à 200 mètres de creux, à moins que l’action sidérolithique ne soit plus influente dans certains cas. Rabanel paraît devoir son extrême profondeur et ses énormes dimensions à sa position dans des bas-fonds très propices à la concentration de grands torrents d’eau.

Ajoutons enfin que l’action des eaux superficielles trouve une confirmation dans les ravinements constatés aux abords de presque tous les grands avens et dans leur situation en contrebas du plateau. (V. les plans des orifices de Hures, Tabourel, Combelongue et Marlavagne.) Les quatre plus petits (Dargilan, Bessoles, l’Ègue et Guisotte) s’ouvrent, au contraire, sur des points élevés et en pleins champs bien découverts.

D’immenses amas d’argiles rouges occupent le fond de tous les avens et bouchent leurs dernières fissures : aussi croyons-nous volontiers, comme MM. de Mojsisovics et Mouret, qu’une action chimique sidérolithique quelconque a pu provoquer l’élargissement de certaines fentes, surtout des plus longues ; d’autant plus que, comme pour les poches à phosphate de chaux, la direction générale de toutes les fentes d’avens est nord-sud, et que la longueur oscille toujours aux environs de 100 mètres ; dans aucun avenc, toutefois, cette force n’a été seule à agir, et son influence précise n’est pas encore exactement connue.

De plus, au Mas-Raynal et à Rabanel, comme à Padirac, les eaux intérieures ont certainement concouru aussi à l’œuvre, soit par érosion simple, soit par pression hydrostatique. La coupe transversale du Mas-Raynal, qui montre le bas de la fracture plus large que le haut avec, un étranglement au milieu, le prouve péremptoirement.

On voit comment les quatre forces susénoncées ont créé les avens des Causses, soit isolément, soit combinées ensemble. La question n’est pas tranchée.

II. — Étudions maintenant la relation des avens avec les eaux intérieures et les sources. Ici c’est toute l’hydrologie des Causses qui est mise en question.

Un problème des plus curieux, en effet, se pose à propos de ces plateaux : je rappelle, après MM. Onésime et Élisée Reclus, de Malafosse, Lequeutre, etc., comment les rivières du Tarn, de la Jonte, de la Dourbie, de la Vis, etc., au fond des gorges étroites (ou cañons) qui séparent les grands causses les uns des autres, ne reçoivent aucun affluent à ciel ouvert et se grossissent seulement de nombreuses et puissantes sources issues du pied même des falaises, au niveau des thalwegs ; — comment les eaux de pluies précipitées sur les hauts plateaux s’engouffrent dans les fentes et les avens du calcaire, circulent dans des canaux intérieurs et cavités souterraines comme à travers une éponge, et rejaillissent à 500 mètres plus bas, au contact de couches de terrain imperméables, en fontaines filtrées et abondantes, seuls tributaires des rivières. Ce régime hydrographique est commun à tous les pays de chaux. À Bramabiau on avait même la preuve maté-