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Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/387

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les cévennes

à toute tradition historique, mais encore à toute légende héroïque. Déterminer et recueillir les ossements de l’homme et les objets travaillés par lui dans les terrains qui appartiennent à une époque géologique antérieure à la nôtre, prouver la contemporanéité de ces débris humains et des animaux quaternaires aujourd’hui anéantis, établir les caractères distinctifs des races primitives, trouver au fond des lacs et sous les dolmens des armes et des ustensiles dénotant déjà un degré de civilisation avancé, obtenir ainsi des transitions ménagées pour arriver jusqu’aux âges historiques, démontrer que les plus antiques dynasties d’Égypte, de Chine et d’Assyrie sont moins vieilles que l’homme des cavernes, en deux mots chercher quel âge géologique il faut assigner à l’espèce humaine, enfin reconstituer, à l’aide d’un os et d’un silex, le modus vivendi de ces peuplades âgées de mille siècles et plus, pour lesquelles le livre de l’histoire n’était pas encore ouvert, voilà ce que fait la préhistoire : le nom de cette science explique son but.

Les temps antéhistoriques ont été partagés en âges des métaux et âges de la

Mammouth (Elephas primigenius).

pierre. Les premiers, subdivisés en âges du fer, âge du bronze et même âge du cuivre (?), touchent de bien près aux héros d’Homère, aux ancêtres des Celtes, etc., et certaines traditions religieuses ou mythologiques prétendent nous faire connaître l’inventeur des métaux. La Genèse (chap. IV, § 22) ne nous cite-t-elle pas Tubalcaïn, un descendant de Caïn, comme le premier homme « habile dans tous les ouvrages de fer et d’airain » ? Les ères antérieures nous montrent quelque chose de tout différent, une antiquité bien plus reculée, une époque où l’homme n’avait d’autre instrument tranchant qu’une pierre dure façonnée et aiguisée, le silex. Là aussi il y a une subdivision : la pierre polie et la pierre taillée.

À l’époque de la pierre polie ou époque néolithique (pierre nouvelle), nos aïeux, déjà instruits par d’expérience, savaient, au moyen du frottement, donner à leurs haches de silex ce poli inimitable qui fait l’admiration des archéologues ; alors ils habitaient les cavernes, ou des villages bâtis sur pilotis dans des eaux calmes peu profondes (palafittes des lacs suisses, tourbières et Kjœkkenmœddings [déchets de cuisine] du Danemark, etc.), ils ensevelissaient leurs morts d’abord dans les grottes et plus tard sous les dolmens, ces monuments mégalithiques (en grandes pierres) faits d’énormes dalles, connus de tout le monde, si abondants en Bretagne et considérés longtemps comme des autels de druides ; ils connaissaient l’usage des tissus, des ornements, le tour du potier, les animaux domestiques, les instruments aratoires, etc. La guerre et l’esprit de conquête avaient remplacé la chasse et la lutte pour l’existence contre les fauves redoutables.

Mais à cette époque néolithique vivaient les animaux mêmes qui nous nourris-