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Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/68

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le cañon du tarn. — de la malène au rozier

cette griffe n’était qu’une injection ferrugineuse oxydée ayant la forme vague des cinq doigts d’une grande main. »

Une autre légende, moins connue et moins jolie, attribue à saint Ilère la gloire du combat et modifie le dénouement. Sainte Énimie ayant prié le Seigneur de la débarrasser du démon, saint Ilère reçoit l’ordre de se mettre à la poursuite du diable ; aussitôt il poursuit, l’espace de huit mille pas en aval du Tarn, le démon, qui avait pris la forme d’un dragon, l’accule au gouffre du Tarn et, au nom de la croix, lui ordonne de s’y précipiter. Le démon, obligé d’obéir, plonge dans le gouffre, espérant bien revenir… sur l’eau ; mais le saint, pour

Chaos du pas de Soucy. — Dessin de Vuillier, phot. Chabanon.
(Communiqué par le Club alpin.)


tromper l’attente du Trompeur, fait un signe : la montagne s’écroule sur le gouffre, et le démon est à jamais enseveli.

Les géologues s’accordent à penser qu’il y a eu là deux éboulements différents : l’un d’âge très reculé, l’autre beaucoup plus récent. Peut-être ce deuxième chaos fut-il causé par le tremblement de terre de l’an 580, qui, au dire de Grégoire de Tours, fit tomber d’immenses pierres dans les Pyrénées et dont la commotion s’étendit aux pays voisins. Dans cette hypothèse assez vraisemblable, la concordance approximative avec l’époque où vivaient saint Ilère et sainte Énimie expliquerait que la tradition eût rattaché à la légende des deux saints le souvenir d’un fait extraordinaire, qui avait dû vivement frapper tous les esprits.