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les cévennes

de Sainte-Énimie par l’évêque et les barons du Gévaudan : ce domaine, ne relevant que du monastère seul et d’aucun autre seigneur, fut baptisé Salva Terra, terre libre ou franche.

« Moins élevé, moins terrible que le causse Méjean, le causse de Sauveterre va de la rive droite du Tarn à la rive gauche du Lot. Au sud-ouest, il s’en va jusqu’à toucher le pied des monts du Lévezou ; à l’ouest, il se prolonge, sous le nom de causse de Sévérac, jusqu’au nord-ouest de Sévérac-le-Château, vis-à-vis des croupes sombres de la forêt des Palanges ; au nord, le val de Bramont le divise du tout petit causse de Balduc et du causse de Mende, et le val du Lot, des causses de Changefège, de la Boche, de Rocherousse, dont il n’était pas séparé jadis.

« Du terme occidental du causse de Sauveterre jusqu’au col de Montmirat, sur la route de Florac à Mende, c’est-à-dire de l’ouest à l’est, sa longueur atteint 36 kilomètres ; sa largeur, du nord au sud, varie entre 10 et 18 kilomètres ; sa surface est de 55,000 hectares, par des altitudes de 800 à 1,181 mètres[1]. La hauteur de sa falaise d’enceinte n’est que de 250 à 300 mètres au-dessus du Lot ; mais au-dessus du Tarn elle monte à 500 et 600 mètres, comme celle du causse Méjean.

« Moins désolé vers l’occident que vers l’orient, il ressemble en tout aux trois autres grands blocs d’oolithe. Il a, lui aussi, ses puechs ou coteaux, ses couronnes ou mamelons, que le pin sylvestre n’ombrage plus autant qu’autrefois, ses sotchs ou petites conques, mieux garanties du vent que les croupes. Le « Sauveterrois » y cultive le peu de terre amenée par les pluies dans le bas-fond de ces sotchs ; le mouton paît l’herbe près des mégalithes ; des poteaux marquent les routes, afin que le passant reconnaisse son chemin sous l’amas des neiges ; les maisons sont voûtées, pour supporter le poids de l’hiver. » (O. Reclus.)

Le meilleur mode de description consiste à parcourir les voies principales qui du Lot au Tarn traversent le plateau.

La route de Mende à Florac par le col de Montmirat (1,046 m.), qui suit à peu près la ligne de contact des formations calcaires et du terrain schisteux, peut être considérée comme la limite orientale du causse de Sauveterre ; au-delà commence le redressement de la Lozère ; mais nous ne parcourrons cette voie que dans le chapitre consacré aux Cévennes. (V. chap. XVI.)

Commençons donc par celle de Mende à Ispagnac. Jusqu’à Balsièges (7 kil. ; 611 hab. la comm., 70 aggl.), elle croise plusieurs fois, dans la vallée du Lot, tantôt la rivière, tantôt le chemin de fer de Mende à Sévérac ; en traversant le village, à 685 mètres d’altitude, elle quitte le thalweg, laisse à gauche la route de Montmirat et commence à gravir la rampe, entre les escarpements du causse de Mende à gauche et ceux du causse de Sauveterre à droite. Les roches rouges ou grises se découpent en portails, en obélisques, en châteaux ruinés aux fenêtres ouvertes sur le ciel, en aiguilles qui se penchent au-dessus de belles prairies animées de bouquets d’arbres et au milieu desquelles le Lot dessine ses nombreux méandres.

Çà et là se montrent d’énormes souches, témoins d’une forêt brûlée. Au xive siècle les deux tiers, au xviie la moitié du Gévaudan et des Cévennes pro-

  1. Exactement 772 mètres, sur la route de Banassac à Sévérac, à l’ouest ; 1,181 mètres au signal de Montmirat, à l’est.