distingue pas l’herbe vulgaire de la tendre pousse du jeune arbrisseau qu’on voudrait faire arbre. « Or, le revenu du troupeau est pour le caussenard aujourd’hui la principale ressource. Le reboisement vient se heurter à des droits de propriété et à une nécessité agricole restreinte, il est vrai, mais empêchant encore la ruine de bien des familles. »
Ainsi le déboisement a fait le désert des Causses, et les troupeaux, qui ont remplacé les cultures, s’opposent à la restauration des forêts ! Résoudra-t-on ce difficile problème ?
« Rien ne peut rendre l’impression profonde causée par ces solitudes où, pendant des heures de marche, on ne rencontre pas un être vivant. Quelle tristesse ce doit être en hiver, alors que les montjoies seules dressent, au-dessus de leurs monticules de pierre, les poteaux indicateurs de la route, à travers un immense manteau de neige, et que le vent y fait rage ! » (A. Lequeutre.)
Les moulins ruinés que l’on rencontre sur le causse Méjean, la disparition de plusieurs grands arbres isolés, qui de 1852 à 1854 servirent de points trigonométriques aux officiers chargés de lever la carte de l’état-major, sont des preuves suffisantes de l’abandon et du déboisement toujours grandissants du plateau.
La plus basse cote d’altitude relevée est celle de 808 mètres, à l’extrémité ouest de la plaine de Carnac, au sud-ouest de la Malène ; les deux plus hautes sont, à l’ouest du causse, 1, 278 et 1, 250. Ainsi l’inclinaison vers l’occident et les dénivellations du plateau sont telles qu’entre sa plus creuse dépression et sa couronne la plus élevée il y a 470 mètres de différence d’altitude, quantité égale à la profondeur moyenne du cañon du Tarn même. Sans vouloir tirer aucune conclusion de cette observation, nous la mentionnons au moins comme curieuse : Carnac se mirerait dans un lac si le sous-sol n’était pas calcaire ! Et à ce propos il importe de rappeler que, le 29 juillet 1874, une trombe d’eau, abattue sur le causse pendant un orage avec les proportions d’un véritable cataclysme, transforma en un fleuve limoneux de 150 mètres de large le vallon des Alos, qui débouche dans la plaine de Carnac et d’Anilhac : cette plaine ainsi devint un étang temporaire, qui faillit, par-dessus le parapet du causse, se déverser dans le Tarn, vers Hauterive, en effroyable cataracte de 400 mètres de hauteur ; on voit encore les restes du cône de déjection formé par cette inondation ; le lac disparut bientôt d’ailleurs, bu tout entier par les fissures du sous-sol.
Treize communes se partagent l’ingrate surface du causse Méjean ; deux seulement, Hures et la Parade, y ont leur territoire entier. Celle de Saint-Pierre (405 hab. la comm., 33 aggl.) a quelques dépendances au bord du Tarn et de la Jonte.
Jusqu’en 1884, la route de Meyrueis à Sainte-Énimie se dirigeait droit du sud au nord par Hures (1, 024 m.) et le Buffre (934 m.), laissait le Mas-de-Val à l’est et le Mas-Saint-Chély à l’ouest, puis descendait à Sainte-Énimie en zigzags aigus et très courts. En s’élevant le long des falaises de la vallée de la Jonte, dont l’enfilade est d’ici magnifique à voir, elle utilisait, avant d’atteindre le plateau du causse, la coupure du roc de la Bouillère, pylône naturel ménagé dans les dolomies à 300 mètres au-dessus de Meyrueis.
La nouvelle route, dont la dernière section a été livrée à la circulation en juillet 1888, décrit une grande courbe vers l’ouest pour adoucir la pente, passe au pied même de la Bouillère, sous le tunnel de la Femme-Morte, encadré dans de puissants rochers, à la Parade, à Carnac, et déboucle sur le cañon du Tarn en surplombant Saint-Chély.