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XXXIII

« l’ivresse des festins la joueuse fait résonner la flûte de ses lèvres humides. « — Les sandales viendront d’elles-mêmes se mettre à ton pied. « — Le perroquet te salue. — Le corbeau te demande sa proie. — Le « rossignol pleure. — La pie chante. — Les balais de palmier sont faits « pour des parquets d’ivoire. — La vaisselle d’Antium servait à Porsenna. « — Ce bassin vient du fond de la Bretagne. — Les coupes de « Sorrente sont légères. — Dans un pot de cette terre, Frontin, le maître « de Marc-Aurèle, buvait son eau. — Ton esclave peut briser sans « craindre le fouet ces coupes de Sagonte. — Memphis t’envoie cette « robe de chambre brodée. »

Quand j’eus achevé ce travail je fus accueilli par un murmure flatteur de l’assemblée. — Très-bien dit ! s’écria Scévola ; Martial, voilà des vers qui feront passer mes présents. Je t’enverrai avant peu une demi-livre de poivre.

— Vous aviez, lui dis-je, l’habitude de me donner chaque année une livre d’argent : je n’achète pas si cher une demi-livre de poivre.

A cette réponse, Scévola sortit en rougissant de colère, et toute l’assemblée battit des mains à Martial,

Alors l’honnête Cimber, s’approchant de moi : — Vous vous êtes surpassé ce soir, mon ami Martial ! Acceptez ce petit cachet, qui représente le jeune esclave de Brutus.

Je mis l’anneau à mon doigt, et je dis à Cimber :

— Acceptez en revanche ce distique, que j’ai fait hier pour votre tableau d’Héro et Léandre :

« L’audacieux Léandre, poussé par l’amour, s’écriait au milieu des « flots : — Flots orageux, ne m’engloutissez qu’à mon retour ! »

— Que pensez-vous, me dit le savant Cotta, du Moucheron de Virgile ?

— C’est un éclat de rire après l’Arma virumque, lui répondis-je.

— Et le poème des Grenouilles d’Homère ?

— C’est une excuse pour Martial.

J’entendis Cotta qui murmurait en souriant : — Aussi habile à parler sérieusement qu’ingénieux à dire des riens !

Je te raconte ainsi tous les moindres détails de cette soirée, parce que cette soirée fut la dernière heure de mes lâchetés poétiques. J’allais être enfin affranchi de cette horrible lutte contre la misère ; j’allais enfin redevenir un homme libre, grâce à cette dernière heure de ma prostitution poétique ; car, dans cette foule de gens d’esprit oisifs et de