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histoire des églises et chapelles de lyon

« Le songe. — Elle pria ce saint de se manifester à quelqu’une de notre communauté qui eût le crédit de le faire honorer. Quelques jours après qu’elle eut fait cette prière, sans nous l’avoir communiqué, dans l’octave de la Toussaint, la nuit de la fête de saint Charles, je me trouvais en dormant pénétrée d’une grande dévotion envers saint Pothin. Il me fut mis en l’esprit de prendre un charbon composé de parfum et de l’aller brûler en ce saint cachot. Je pris ce charbon et m’en allai à la porte de notre sépulture qui est, comme nous l’avons dit, la prison des martyrs de Lyon, que l’on tenait actuellement fermée. Étant à cette porte, je m’aperçus que je n’avais point de feu pour allumer ce charbon : dans le même instant il prit feu entre mes mains et fut en état de brûler. Aussitôt que la fumée qui passait par les fentes de la porte et de la serrure eut atteint au saint cachot qui est tout prêt de la porte — c’était une vieille porte toute de fentes et de trous — j’entendis tirer avec force et grand bruit des verrous, et j’aperçus en même temps, par les ouvertures de la porte et de la serrure qui était encore fermée, une grande lumière ; j’ouvris la porte et je vis tout le devant de la muraille du cachot de saint Pothin revêtue de fin or, et au-dessus du cachot un trône d’un éclat et d’une beauté admirable, et ce saint évêque assis dessus.

« Je me jette à genoux pour révérer ce grand saint, pour lors il ouvrit sa bouche, et d’une voix forte et douce il me dit : Ma fille, je suis en ce lieu d’une présence particulière pour assister de ma protection tous ceux qui m’invoqueront. Alors le son de sa voix répandit à mes oreilles une douceur semblable à celle que j’avais expérimentée à la vue. Je lui demandai quel était le caractère de sa sainteté. Il me répondit que c’était de faire connaître Jésus-Christ et qu’il avait employé les travaux de sa vie pour étendre sa gloire. Je lui dis : Que pourrai-je faire, grand saint, pour exalter votre gloire ? — Il me dit : Ce que vous ferez pour ma gloire, faites-le pour la gloire de Jésus-Christ. Il continua de parler si hautement des bontés et des beautés du Fils de Dieu, que toutes nos sœurs qui passaient par là, entraient en foule en ce saint lieu et se mettaient à genoux dans une grande admiration et dévotion. Après qu’il eut parlé quelque temps, apercevant que ma sœur de Thélis n’y était pas, je lui dis : Grand saint, je vous prie que ma sœur de Thélis, qui a tant de vénération pour votre sainteté, voie ce que je vois, et qu’elle entende ce que j’entends. — Il me répondit d’une douceur charmante : Oui, dites-lui qu’elle vienne demain matin, je me manifesterai à elle. — Fin du songe.

« Je me réveillai persuadée que ce saint lieu était rempli de grâces et, désireuse de lui faire rendre l’honneur qui lui était dû, je me proposai d’étendre sa gloire autant qu’il me serait possible. Je m’en allai dès le matin réjouir notre chère sœur de Thélis en lui disant ce qui m’était arrivé la nuit, et comme il m’était resté un grand désir de réparer à l’avenir la faute que nous avions commise d’avoir laissé dans l’oubli un lieu qui est si digne de vénération. Notre communauté se contentait d’aller dire tous les ans la litanie des saints martyrs, sans y entrer. Elle me dit alors qu’il y avait quelques jours qu’étant allée dans ce saint cachot, comme à son ordinaire, toute seule pour y faire sa prière, et l’ayant approprié et ôté les toiles d’araignées, desquelles il y avait quantité par le peu de fréquentation, elle dit à ce grand saint : « O mon saint pontife, voilà tout ce que je puis