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trappistines

justesse de la protestation et promit d’y donner suite. Grâce à ses démarches, le monastère de Vaise ne fut pas abandonné : en 1837, arriva de Maubec une religieuse, suivie bientôt de six sœurs converses, et, l’année suivante de quatre autres religieuses qui repeuplèrent l’ancien monastère. On nomma une supérieure pour diriger la nouvelle communauté ; dès lors, la séparation fut accomplie et les deux monastères eurent chacun leur existence propre et indépendante.

Cependant, la petite communauté laissée à elle-même ne tarda pas à s’accroître. Dans le courant de 1838, passa à Lyon une communauté de Trappistines se rendant à Maubec, et sept d’entre elles, à la demande de la communauté de Vaise, vinrent s’y fixer. D’ailleurs, des postulantes se présentaient chaque jour, si bien qu’en 1848, on retrouve la communauté aussi nombreuse qu’avant l’émigration de Maubec.

Les troubles qui suivirent l’établissement de la seconde république, faillirent être fatals aux Trappistines ; les désordres qui se produisirent dans toute la France furent particulièrement graves à Lyon, parce que, en plus des partis politiques qui se disputaient le pouvoir, l’agitation fut compliquée de la grève des ouvriers en soie, dits Canuts, qui formaient une bonne partie de la population, et vinrent grossir les rangs des insurgés. Ce n’est pas ici le lieu de raconter les désordres sanglants qui se produisirent, ni les dégâts matériels qui furent commis. Le monastère des Trappistines fut envahi par une populace, composée d’hommes armés et de femmes furieuses et avinées ; les bâtiments furent mis au pillage. On peut juger facilement de l’effet produit sur les pauvres sœurs, par cette populace hideuse et repoussante, avide de dévastation. Malgré les précautions prises, les envahisseurs découvrirent la salle des métiers à tisser, seule ressource de la communauté. En un instant, les métiers furent mis en pièces et les débris lancés par les fenêtres. Les émeutiers se retirèrent à la nuit sans cependant accomplir leur menace de mettre les religieuses dehors et d’incendier la maison, ce qu’ils firent en d’autres endroits. Bien qu’éprouvée, la Communauté ne fut cependant pas dispersée ; seule, parmi celles qui existaient alors à Lyon, elle eut l’heureux privilège de rester intacte dans sa solitude.

Les religieuses, dénuées de tout secours, eurent dans la suite l’heureuse idée d’acheter des métiers à broder ; ils leur furent d’un grand secours pour parer aux besoins matériels de la communauté. Pour se procurer des religieuses, on établit un Pensionnat où l’on recevait des orphelines et des enfants de familles moyennes, pouvant payer une légère pension. Ce n’était point déroger à la règle, puisque c’est un usage établi chez les Trappistines, de recevoir quelques orphelines, libres ensuite de rester dans la Communauté ou de rentrer dans le monde. Le pensionnat a existé de longues années et a acquis une certaine prospérité ; sa suppression date de 1879.

La vitalité de la communauté s’affirma d’années en années, si bien qu’en 1852, on songea à essaimer. Dans ce but, on envoya cinq religieuses et quelques novices fonder un monastère du même ordre à Espirat, près de Perpignan, dans une propriété donnée à la congrégation par une généreuse famille du pays. Le petit noyau ne tarda pas à se grossir de nouvelles arrivantes : en 1860, on terminait les somptueux et vastes bâtiments destinés à abriter les sœurs, de plus en plus nombreuses.