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Page:Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/175

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entend le bruit plus sonore que font les ailes de la Vérité qui s’approche, et, le cœur de plus en plus envahi par l’avenir, il apprend à renoncer au présent glacé.

Mais toi, ville heureuse, continue à briller toujours du même éclat, toujours avec le même sentiment de ta force, comme on voit ici, sur la fontaine à l’intarissable jet, le Neptune de cet immortel Gian Bologna !


La fille du pêcheur, à Burano

Tricotez assidûment vos filets, chères sœurs : mon fiancé en aura besoin aujourd’hui même, dès que sa barque ailée l’aura déposé sur la rive natale.

Pourquoi tarde-t-il tant cette fois ? Voici déjà que les vapeurs montent des lagunes ; voici que fraîchit le vent ; autour des cimes resplendissantes de Venise, qui se dresse majestueusement hors des flots, déjà s’étendent et s’amassent les ombres du soir. Tournée vers l’Orient, la voile de mon bien-aimé a pris ce matin la direction d’Altino, où s’engloutirent jadis les décombres de la ville maritime si populeuse. Au dire des vieux pêcheurs, on peut, en y jetant adroitement les filets, rapporter un riche butin de monnaies d’or et de perles précieuses : puisses-tu, mon fiancé, faire aussi quelque heureuse trouvaille !

Sans doute il est beau, ton métier ; il est beau, le soir, lorsque la lagune est sillonnée d’éclairs, que les rets scintillants balancent l’algue qui reluit, et que chaque maille, chaque poisson semble d’or ! — Cependant je préfère de beaucoup les jours de fête qui te permettent de rester à terre. C’est alors que sur la place encombrée se presse la vigoureuse jeunesse parée de ses plus beaux habits, mon bien-aimé surpassant les autres en modestie comme en beauté. Que de fois n’y avons-nous pas prêté l’oreille au conteur, soit qu’il nous traduise les paroles des saints, soit qu’il récite les faits et gestes du pieux