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veilleux. La première page des Colchiques confirme, au surplus, toutes les suppositions à cet égard. Laissons parler le poète :


J’avais une nourrice, une bonne et chère nourrice, qui tenait toujours des milliers de contes en réserve.

Elle en savait long sur les princes enchantés, sur les arbres qui chantent, sans parler de ceux où pendent à foison les gâteaux.

C’étaient des palais engloutis qu’on voit briller au fond des mers ; ou des jeunes femmes victimes d’un charme, assises immobiles au milieu des perles.

Ou bien encore des poissons juchés sur des jambes gigantesques, qui se promènent d’un air grave et qui, la nuit, se penchent pour regarder dans la Bible ouverte devant le guetteur assis au sommet de la tour.

C’étaient aussi des oiseaux sans pieds, prenant toujours plus haut leur essor, jusqu’à ce qu’enfin leur tête perce la voûte azurée du ciel.


Après ce prologue, viennent des poèmes narratifs, Erzahlende gedichte, dont l’auteur emprunte les sujets un peu partout ; à la France : Pyrénées (Pyranus) ; à l’Arabie, les Perlen (Die Perlen) ; à la Bohême, la Lampe (Die Lampe) ; à l’Angleterre, Walter Raleigh ; enfin à des civilisations et à des peuples différents, et le contraste des couleurs et des caractères donne à cette partie du volume une intéressante diversité. Le poète se place ensuite sur le terrain purement lyrique ; mais, avant de faire résonner ses impressions propres, les fibres intimes et palpitantes, toutes les voix secrètes, douces, grondantes et passionnées du désir, de la douleur, de l’amour ou du rêve, il se recueille religieusement, et prélude par