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Mais personne ne devait plus dorénavant réciter les saintes prières pour l’empereur ; au jour de la fête du Seigneur, la parole du Seigneur ne devait plus fortifier son âme.

Et, tandis que les chœurs sacrés s’élançaient en échos sonores vers le ciel, l’empereur donna l’ordre qu’on lui disposât son plus rapide coursier.

Il parcourut à pas lents les nombreuses salles de son palais ; il plaça la couronne sur sa tête et prit son sceptre dans la main droite ;

Il jeta autour de ses épaules le manteau impérial, le manteau resplendissant d’or et de pourpre, ouvrage magnifique de l’Inde.

À sa main gauche brillait un anneau d’une vertu magique ; à sa ceinture était suspendu un flacon rempli d’une précieuse liqueur.

C’est ainsi qu’enfourchant son destrier et s’arrachant à la fête, il tourna tour à tour ses yeux vers le nord, vers le sud, vers l’orient et vers le couchant :

Adieu, noble pays des chênes, à la fois mon orgueil et ma gloire. Le moment est venu où ton empereur doit s’éloigner de son empire.

Je l’avais fait grand, illustre, admiré du monde entier ; mais aujourd’hui l’étranger domine ici en maître insolent ; le vertige doit avoir son temps.

Il dit, et ses paroles remplissent de tristesse le cœur de ses serviteurs fidèles ; ils se tenaient là tous muets, se demandant ce qui pouvait être advenu à leur empereur.

Et quand ils eurent ainsi chevauché silencieux jusqu’au plus profond de la forêt, se tournant vers eux d’un air bienveillant, il les pria de le laisser seul.

Puis, se souvenant, l’œil humide, de la vertu mystérieuse de son anneau, il leur dit adieu et disparut soudain merveilleusement.

Où l’empereur alla-t-il ainsi ? c’est ce qu’aucune bouche n’a révélé ; mais ce que le peuple entier sait bien, c’est qu’il n’est pas mort.