ont toujours une kyrielle de prénoms ; mais je donnerai de lui une pièce qui suffit pour le classer à un rang honorable. Sa vie a d’ailleurs été fort courte (né le 5 mai 1810, mort le 28 décembre 1841). Je remarque dans ses vers un je ne sais quoi d’étrange qui, avec le temps et le travail, aurait pu donner un fruit précieux d’originalité. Ce fruit n’est-il même pas déjà mûr dans le poëme que voici ?
Debout sur le rocher j’ai vu Wilhelm le Fou ;
Il était là penché sur l’insondable trou.
Dans ses cheveux sifflaient les bises de novembre ;
Il semblait frissonner d’horreur dans chaque membre.
Que lançait-il ainsi dans l’abîme béant ?
Rien, car d’une main vide il frappait le néant.
C’est Wilhm le Fou, qu’on voit toujours sur cette cime
D’un regard effaré scruter le sombre abîme.
Jadis le misérable a dans ce profond trou
Poussé son propre père, et, depuis, il est fou !
Et, depuis, il revient sur ce rocher sans cesse,
Conduit par le remords qui l’obsède et l’oppresse.
Ce qu’il voudrait ainsi, de son sein, — vains efforts ! —
Arracher et jeter au fond, c’est son remords ;
Mais plus il lutte, et plus l’affreux serpent se dresse
Et serre de ses nœuds l’étreinte vengeresse.
Et je m’enfuis tremblant loin du sinistre lieu,
Car j’avais reconnu la justice de Dieu.